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fournît à notre civilisation aryenne plus d’hommes de talent que les soi-disant aryens[1]. Et cela est d’autant plus merveilleux que, dans la course à la renommée et aux honneurs où tant de concurrens de toute race se disputent le prix, le Juif, en qualité de Juif, avait hier encore une infériorité marquée ; en beaucoup de pays, la lice ne lui était même pas ouverte ; sa naissance le disqualifiait. Là où il était admis sur le turf, il portait une surcharge, un poids de plus que les autres : sa religion, son nom de Juif ; si bien que pour s’alléger et pour mieux courir, beaucoup des plus célèbres ont dû rejeter ce poids incommode. Ils n’ont gagné le prix qu’en tendant la tête aux eaux du baptême et se déguisant en chrétiens.

Un Israélite anglais a eu l’idée singulière de réduire en chiffres et en formules ce qu’il appelle the comparative ability des Juifs en regard des Anglais et des Écossais[2]. Pour calculer le tant pour cent de Juifs plus ou moins célèbres, il a recouru aux dictionnaires biographiques et aux annuaires des académies. Il a trouvé que la proportion des Juifs qui, depuis cent ans, se sont fait un nom dans toutes les branches de l’activité humaine était supérieure à celle des chrétiens. Personne, je crois, n’en doutait. Les 6 ou 7 millions de Juifs de l’Europe ont fourni relativement plus d’hommes de talent que les 300 millions de chrétiens : catholiques, protestans, orthodoxes. Si l’on devait toiser à pareille mesure l’intelligence des races et la valeur des religions, le Juif et le judaïsme auraient sans conteste la première place. Et la proportion en faveur des Juifs est notablement plus forte, si l’on met de côté l’Orient et l’empire russe, où les fils d’Israël ont toujours au cou le lourd carcan des lois d’exception. Il y a trois ou quatre fois plus de chances de trouver un homme distingué, un savant ou un artiste, sur 1,000 Juifs d’Occident que sur 1,000 Anglais, 1,000 Français, 1,000 Allemands. Dirons-nous, pour cela, que les Israélites sont trois ou quatre fois, souvent même, semble-t-il, dix fois mieux doués pour la science, les lettres, les arts, que le commun des gentils ? Je n’irai pas jusque-là, quant à moi, attendu que la proportion des Juifs qui se livrent au travail intellectuel est sensiblement plus forte que celle des non-Juifs. Leur supériorité d’aptitudes n’en semble pas moins établie. Elle est telle qu’un Anglais, un Israélite, sans doute, en conclut que les fils de Jacob représentent

  1. Le calcul est curieux à faire pour l’Institut de France, par exemple ; — et je n’imagine pas que l’on puisse dire que les Israélites, de religion ou d’origine, admis depuis un siècle ou un demi-siècle dans nos académies, aient dû leurs sièges à la faveur.
  2. Joseph Jacobs, The comparative distribution of Jewish ability ; Londres, Harrison, 1886. Cf. Servi, Gli Israeliti d’Europa, 1873. Un Autrichien, M. Alf. Schönwald, si je ne me trompe, a entrepris un dictionnaire biographique des Juifs célèbres, sous ce titre : Das Goldene Buch des Judenthums.