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difficile ou tellement impossible à connaître ? Il a d’ailleurs l’avantage de l’illustration, dont il nous faut louer la vivante et pittoresque exactitude. Nous savons aussi que, beaucoup de choses ont changé, depuis quinze ou vingt ans, pour quelques-unes qui demeurent, comme aussi plusieurs sont nées qu’on ne pouvait décrire avant qu’elles eussent commencé d’être. Après celui de M. Maxime du Camp, le livre de M. Paul Strauss contient donc assez de nouveautés pour qu’on le lise à son tour, et s’il a le même succès, ce sera, même avant nous, M. Maxime du Camp qui s’en réjouira le premier.

Quelques lecteurs s’étonneront peut-être que dans un livre sur Paris ignoré, M. Strauss ait cru devoir faire une part assez large encore aux « lycées et collèges » de la grande ville ; et, en effet, ils les connaissent, pour y avoir eux-mêmes passé jadis, ou, depuis, pour avoir contribué de leurs deniers à en faire comme des palais de la jeunesse. Mais c’est que rien n’a plus changé peut-être, depuis vingt-cinq ou trente ans, et ceux-là s’en convaincront promptement qui joindront à la lecture du chapitre de M. Strauss celle du beau volume de M. Léo Claretie, sur l’Université moderne[1]. Dans cette « brillante monographie, » comme l’appelle M. Gréard, le jeune et spirituel auteur n’a rien mis qu’il n’ait vu lui-même de ses yeux, ou qu’il ne connaisse d’une expérience personnelle et toute récente encore, « depuis l’école maternelle, où il semble qu’il a balbutié ses premières lettres, » dit encore M. Gréard, « jusqu’à la salle de doctorat de la Faculté où il conquérait naguère avec éclat son dernier grade. » À vivre ainsi lui-même de la vie de l’Université, qu’il ait appris à l’aimer, ceux-là seuls pourraient s’en étonner qui ne la connaissent pas, ou qui la connaissent mal. D’autres sont plus brillans, et d’autres aussi plus bruyans, mais je n’en vois guère qui fassent de meilleure besogne, avec plus de conscience ou plus de dévotement, ni qui s’en vantent moins. M. Léo Claretie, qui le sait bien, l’a montré dans son livre, avec un art très personnel aussi, déjà formé, déjà savant, de présenter les choses, de les faire vivre, et de tracer les physionomies des hommes. Il n’eût pas eu besoin, pour se faire lire, des très belles compositions dont M. J. Geoffroy a orné son livre. Mais un attrait de plus, et de cette nature, ne sera sans doute pas pour nuire au succès de l’Université moderne, et nous serions désolé, comme d’ailleurs M. Léo Claretie lui-même, si, pour le mieux louer, nous paraissions séparer sa fortune de celle de son collaborateur, le peintre des Infortunés et de la Visite à l’Hôpital.

Si les Parisiens ignorent leur Paris, je ne crois pas m’avancer en disant que sans doute ils ignorent davantage encore Pékin et Calcutta, Lisbonne et Copenhague, sinon Rome et Amsterdam, ou du moins,

  1. L’Université moderne, par M. Léo Claretie, avec une préface de M. O. Gréard, 1 vol. grand in-4o ; illustré de 65 compositions de Geoffroy. Ch. Delagrave.