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attention fut attirée du côté de la porte, qui s’ouvrit et ma tante entra, et, voyant cette vieille dame et moi qui nous regardions l’un l’autre, elle s’écria fort surprise, et sur un ton de reproche : — « John ! ne sais-tu donc pas qui c’est ? » — et sans me laisser le temps de répondre, me dit : — « Mais c’est ta grand’mère ! » — Là-dessus, l’esprit qui était venu me visiter se leva de sa chaise et disparut. À ce moment-là, je m’éveillai. L’impression fut telle que je pris un carnet et notai ce rêve étrange, persuadé que c’était un présage de mauvaises nouvelles… Un soir, je reçus une lettre de mon père, m’annonçant la mort subite de ma grand’mère, qui a eu lieu la nuit même de mon rêve et à la même heure, dix heures et demie[1]. » — On prend ici sur le fait la formation de l’hallucination composée d’une image suggérée par une impression inconsciente et qui ne peut arriver à se faire reconnaître, et des idées suggérées d’un autre côté par la même impression. Elles compléteront l’image en la faisant reconnaître, mais elles ne pourront arriver à se fondre ainsi avec elles qu’avec peine et par l’intermédiaire d’autres images destinées à les expliquer elles-mêmes.

Il arrive aussi que la reconnaissance se fait tardivement, mais d’une manière spontanée. M. Goodyear voit une figure qui le regarde à travers une fenêtre, il sort, cherche, ne trouve rien et se demande seulement alors quelle était cette figure qu’il venait de voir. Il reconnaît ainsi ce visage pour le visage d’une belle-sœur de sa femme qui demeurait à une distance de 300 milles. On reçut deux jours plus tard la nouvelle de sa mort[2]. De même, le révérend Markam-Hill s’aperçoit qu’une porte s’ouvre derrière lui : — « Je me retournai à moitié, dit-il, juste à temps pour voir la forme d’un homme de haute taille s’élancer dans la chambre, comme pour m’attaquer. Je me levai aussitôt, me retournai, et je jetai mon verre, que je tenais à la main, dans la direction où j’avais vu la figure qui avait disparu pendant que je me levais ; elle avait disparu si rapidement que je n’avais pas eu le temps d’arrêter le mouvement commencé. Je compris alors que j’avais vu une apparition et je pensai que c’était un de mes oncles que je savais sérieusement malade. » — La mort de cet oncle paraît, en effet, avoir coïncidé avec l’apparition[3].

Parfois, l’hallucination a encore un caractère qui rend sa signification plus difficile à comprendre. Le roman explicatif disparaît presque, il devient incohérent sans lien logique appréciable avec

  1. Les Hallucinations télépathiques, p. 329-330.
  2. Id., p. 178.
  3. Id., p. 228.