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extérieurs une instruction profitable à notre âme, comparons la vie à cette mer… » Adam de Perseigne, c’est Fénelon : directeur préféré des consciences mondaines, surtout des consciences féminines. La comtesse de Champagne, fille de Louis VII, veuve d’Henri le Libéral, ne voulut pas avoir d’autre confesseur que lui à l’article de la mort ; la comtesse du Perche lui demanda un règlement de vie pour se conduire chrétiennement dans le monde ; nous avons de lui une épître sur les vanités du siècle dédiée à la comtesse de Chartres, qui l’avait appelé à sa cour ; il avait pour sœur spirituelle une certaine Agnès, dame pieuse de l’entourage de la reine de France. Adam prêchait de préférence dans les monastères de femmes et sur la vierge Marie ; ses homélies en l’honneur de la Vierge ont été réunies et publiées à Rome, en 1662, sous le titre de Mariale. Mort en 1204, il vécut cependant à l’extrême lisière du XIIe siècle, en un temps où le mouvement scolastique s’était déjà dessiné nettement ; mais il fut, à cette époque de transition, un des meilleurs représentans du passé. Il aimait le beau langage, les termes choisis, les phrases qui cachent des pointes sous les dentelles ; son éloquence, où les « plaintes de la tourterelle » et les « harmonies de la cithare » reparaissent un peu trop souvent, est souriante, discrètement fardée, comme il sied à la diction d’un prélat, qui, de nos jours, aurait prêché à Paris les carêmes aristocratiques. — À Clairvaux, la grande voix de saint Bernard résonne et couvre toutes les autres, celles de ses disciples directs et indirects, les Geoffroi d’Auxerre, les Guerric d’Igni, les Pierre de Celle, qui disparaissent dans le rayonnement de la gloire du maître. L’ordre de saint Benoît a tenu à honneur, au XVIIe siècle, de procurer une édition complète des sermons du fondateur de Clairvaux ; cette édition est l’un des chefs-d’œuvre de dom Mabillon, encore qu’au sentiment d’un critique moderne, dom Mabillon, n’ayant pu consulter qu’un nombre relativement peu considérable de manuscrits, ait mis entre nos mains quelques textes fautifs et laissé dans les ténèbres plus d’un morceau digne de voir le jour. Saint Bernard, cependant, est déjà tout entier dans les sermons réunis par Mabillon. Voilà bien le style étudié du grand homme, nourri de réminiscences de saint Jérôme et de Sénèque, d’une latinité aisée et irréprochable, presque entièrement exempt d’ornemens de mauvais goût, et dont le seul défaut est d’être quelquefois trop copieux. Voilà son allure cassante, ses formules dures, la sévérité redoutée de sa morale. Voilà cette érudition théologique un peu imparfaite qui fait contraste avec la solidité proverbiale d’Hugues de Saint-Victor. Voilà, enfin, dans le classique commentaire du Cantique des cantiques, ces apostrophes véhémentes, cette fougue