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n’existent pas ou, tout au moins, qu’elles n’existent qu’à l’état accidentel d’exceptions. Elle est utile, en tant que supprimant la notoriété, la réclame faite ailleurs autour d’un monde que le monde répudie. Ce cant britannique, on le retrouve aux États-Unis, modifié par la prépondérance de l’élément religieux ; il y est moins une affectation de bon goût que la manifestation d’un instinct moral. On a beaucoup raillé autrefois l’excessive pruderie des femmes de Boston, leur intolérance pour certains termes usuels, leurs mines effarouchées à la seule mention d’un vêtement masculin. C’étaient là les exagérations, plus restreintes qu’on ne l’a dit, d’un puritanisme outré dont le temps a eu raison et dont on aurait peine à retrouver les traces. Ce qu’il en subsiste n’est plus que le degré de réticence et la nuance de respect que la femme est en droit d’attendre d’un homme bien élevé.


IV

Cantonnée dans son domaine familial et social, la femme américaine n’a jusqu’ici fait que de rares et timides incursions dans celui de la politique. Il n’est pas pour la tenter, et quand les auteurs de deux romans célèbres : Democracy et Through One Administration, nous la représentent dans ce cadre, ils évitent de lui assigner un rôle actif. Elle n’y figure que comme observatrice et comparse et, de leurs récits mêmes, se dégage combien peu d’affinités réelles existent entre elle et le monde des politiciens, combien peu d’influence elle y exerce et y prétend exercer. Il n’en est pas de même de celui dans lequel elle se meut d’ordinaire, et quand on examine de près les phases diverses et les détails de la vie aux États-Unis, on est frappé du rôle qu’y joue, de la place importante qu’y occupe la femme. Et cela est vrai plus encore dans les conditions modestes, dans les milieux agricoles, dans les fermes et les settlements, dans les centres ouvriers, que dans les grandes villes. Non que ces dernières ne renferment, elles aussi, des types curieux à étudier, essentiellement originaux et conciliant au plus haut degré les exigences de la vie extérieure moderne avec de hautes aspirations et une active philanthropie.

On s’attendrait peu à rencontrer, dans une grande ville comme New-York, une jeune fille, belle, riche à millions, courtisée, adulée, écartant de propos délibéré tous les prétendans et cependant vivant de la vie mondaine, consacrant son existence et sa grande fortune à satisfaire ses deux uniques passions : la charité et le goût des belles choses.