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fêtes, le rituel s’efforce d’exalter ses espérances. — « Tout le culte, m’affirmait un rabbin d’Orient, repose sur la foi au rétablissement d’Israël. Partout, dans nos prières, conformément aux promesses des prophètes, nous implorons la délivrance de Sion, la réunion des tribus dans leur antique patrie. » — Ces divines promesses, nul doute que des milliers de Juifs d’Orient, de Russie, de Roumanie, ne les prennent à la lettre. Ezéchiel, dans la vallée remplie d’ossemens, n’a-t-il pas vu les os desséchés se rapprocher les uns des autres, et, au souffle de l’Esprit, les morts se redresser ? Ils croient fermement que Jéhovah rassemblera les exilés, des extrémités de la terre, pour les ramener dans leur héritage. J’ai rencontré un jeune hakham, de Petite-Russie, un enthousiaste aux yeux noirs inspirés, qui se plaisait à me citer les textes sur lesquels s’appuyait sa foi, m’alléguant tour à tour la Thora, les prophètes, le Talmud, Maïmonide, les prières liturgiques ; me démontrant doctement qu’un vrai Juif ne peut avoir d’autre patrie que la Palestine. Il m’énumérait ses autorités, et, pour mieux me convaincre, il m’en envoyait le lendemain une liste par écrit. « Lisez le chapitre XXX du Deutéronome, me disait-il : — Le Seigneur ton Dieu ramènera tes captifs et aura compassion de toi ; et il te rassemblera d’entre tous les peuples… Quand tu serais dispersé jusqu’aux extrémités du ciel, le Seigneur ton Dieu te réunira, il te retirera de là ; il te ramènera au pays que tes pères ont possédé, et tu le posséderas. — Que vous faut-il de plus net ? Et, conformément à cette promesse de la Thora, le Juif orthodoxe répète chaque matin avant la récitation du Schema : « Réunis-nous (ô Seigneur ! ) des extrémités de la terre : brise le joug de notre cou et ramène-nous tête haute dans notre pays ! » Et, ce souhait, il le renouvelle quotidiennement dans le Schemona essreh, prière obligatoire pour tous, trois fois par jour, m’affirmait mon jeune docteur : — « Sonne, ô Seigneur, de la trompette de la délivrance ! lève le drapeau pour la réunion des exilés, rassemble-nous bientôt et ramène-nous des quatre coins de la terre dans notre pays. Béni soit le Seigneur qui doit réunir les dispersés d’Israël, son peuple ! » Et ces prières, auxquelles j’en pourrais joindre bien d’autres, ajoutait mon ardent interlocuteur, voici bientôt deux mille ans que les Juifs du monde entier les répètent, le matin, dans la journée, le soir, implorant, sans se lasser, le rétablissement d’Israël. »

Aucun doute sur le sens initial de ces invocations ; c’est bien le rétablissement de la maison d’Israël et du royaume de David qu’appelaient de leurs vœux les débris des tribus. Mais c’est peut-être parce qu’ils l’ont vainement attendue durant des siècles et