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être adopté désormais, à l’exclusion de tout autre : « J’ai pu nettement me rendre compte, dit-il, qu’il dépendait du gouvernement de la république : d’empêcher, et d’une manière absolue, le Simplon d’être nuisible aux intérêts français méditerranéens ; d’enlever en même temps à la marine marchande italienne et à Gênes le trafic actuel de la Suisse centrale à la Méditerranée que le Saint-Gothard a pris à notre commerce…

« Ce résultat peut s’obtenir d’une façon très simple, très rapide et très économique : en achevant les améliorations du cours du Rhône commencées depuis dix années et qui ont déjà donné des résultats d’une extrême importance ; en construisant le canal de Jonction de Marseille au Rhône. »

Puis il ajoute : « Il suffit de prendre une carte de l’Europe centrale et de considérer Lyon comme le point terminus de la Méditerranée pour comprendre qu’à partir du jour où (les améliorations du Rhône achevées, le canal de jonction ouvert) les marchandises pourront prendre envoûtes saisons cette route économique, il n’y aura plus de concurrence possible ni pour la Suisse, ni pour le Gothard.

« C’est la grande revanche économique que la France peut prendre sur ses rivaux ; c’est la prépondérance éternelle de sa marine et de son commerce dans la Méditerranée. »

Dans ses conclusions générales, il revient encore sur ces considérations et termine ainsi : « De tout ce qui précède, il résulte que les effets de la concurrence du Simplon peuvent être annulés d’avance et que le Gothard peut lui-même être battu sur son propre terrain si le gouvernement français, — répondant aux besoins urgens du commerce franco-méditerranéen, — laisse achever sans entrave les améliorations du Rhône et fait exécuter le canal de jonction de Marseille au Rhône.

« Tout est prêt pour cette double solution, il ne reste à faire qu’un léger effort, et soyez bien persuadé que le ministère qui aura l’honneur de réaliser ce programme, patriotique entre tous, rendra à l’industrie et au commerce français le plus grand des services qu’un gouvernement puisse leur rendre. »

Cela devait déjà paraître décisif. D’autant que statistiques, pas plus que raisonnemens, ne sauraient être soupçonnés d’avoir été habilement travaillés, ingénieusement établis pour les besoins de la cause. Outre que toutes ces données émanent d’hommes dont le gouvernement a lui-même consacré l’autorité et la compétence en les honorant de son choix et en leur confiant le mandat de l’éclairer, le dessein spécial dans lequel elles ont été réunies semblait d’abord n’avoir aucun lien avec le projet de jonction du Rhône à Marseille,