Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 115.djvu/639

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travaux du grand révélateur et par les fouilles qui sont venues continuer et compléter celles dont il avait pris l’initiative[1].

Ce qui a le plus surpris dans le contenu de ces tombes, c’est leur prodigieuse richesse en or. Vendus au poids, les objets d’or et d’argent qui y ont été recueillis vaudraient environ 125,000 francs. Cet or se trouve dans les tombes sous toutes les formes, en masques appliqués sur la figure des morts, en plastrons, en plaques travaillées au repoussé, en boutons et en bractées ou feuilles estampées, que l’on a ramassées par centaines. Il y a aussi des bijoux proprement dits, diadèmes, colliers, bracelets, boucles d’oreilles, broches, qui servaient à attacher les habits et les cheveux ; il y a, outre des bassins de bronze, des vases d’or et d’argent, bassins, coupes à une anse, gobelets.

La sculpture est surtout représentée par des stèles en pierre, trouvées au-dessus des tombes, à deux ou trois mètres de profondeur, où sont figurées en bas-relief des scènes de chasse ; elle l’est par de grossières idoles en terre cuite, un peu moins informes que celles qui avaient été recueillies à Hissarlik ; les unes ont une tête humaine avec les attributs de la femme et les autres une tête de vache. Dans ces dernières, ainsi que dans une belle pièce d’orfèvrerie qui est l’un des morceaux les plus précieux de la collection, Schliemann a voulu reconnaître la grande divinité locale, Héra aux yeux de génisse, la Βοῶπις Ἥρα (Boôpis Hêra) d’Homère. Ce qui donne une certaine vraisemblance à l’hypothèse d’un caractère symbolique qu’il conviendrait d’attribuer à cette série de figurines, c’est le fait que l’un des mythes les plus populaires de l’Argolide était celui d’Io, déesse lunaire au front armé de cornes.

Les vases et les fragmens de poterie sont en très grand nombre. Les formes que l’on a restituées, en rapprochant tous ces débris, sont bien plus élégantes et plus variées que celles qui s’étaient rencontrées à Hissarlik ; les ornemens sont tracés au pinceau. Ce qui joue le plus grand rôle dans la décoration, c’est ce que l’on appelle l’ornement géométrique. Les motifs qui reviennent le plus souvent, là et sur les bijoux et autres objets en métal, c’est la rondeur de bosses qu’entourent des cercles concentriques, c’est une singulière profusion de spirales et d’enroulemens compliqués. On commence d’ailleurs à voir apparaître ici non-seulement des élémens fournis par le règne végétal, comme maintes

  1. H. Schliemann, Mycènes. Récit des recherches et découvertes faites à Mycènes et à Tirynthe ; Hachette, 1879, in-8o. — Carl Schuchardt, Schliemann’s Ausgrabungen in Troja, Tiryns, Mykenœ, Orchomenos, Ithaka, im Licht der heutigen Wissenschaft dargestellt, 1 vol. in-8o, avec 2 portraits, 7 cartes et plans, 321 figures, 2e édition ; Leipzig, Brockhaus, 1891.