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l’invraisemblance de cette hypothèse. C’est, à ce qu’il semble, dans la période antérieure à notre ère que M. Murray voulait placer les pérégrinations de ces barbares, leur entrée dans le Péloponnèse, leur établissement en Argolide ; mais comment ces Germains auraient-ils traversé la Grèce et franchi l’isthme de Corinthe, comment se seraient-ils ensuite évanouis sans que l’histoire eût gardé le moindre souvenir et de leur passage et du séjour qu’ils auraient fait à Mycènes ?

Un des archéologues les plus renommés de l’Europe, Stephani, auquel était confiée la garde du musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, reprit la théorie de M. Murray, mais en essayant de lui donner plus de précision. Pour lui, ces tombes seraient du temps où, vers les IIIe et IVe siècles de notre ère, les barbares du nord commencèrent d’envahir l’empire romain. Il est question, chez les historiens, de bandes d’Hérules qui ravagèrent le Péloponnèse en 267. En 399, les Goths, avec Alaric, le parcoururent en tous sens et y passèrent plusieurs années. Ce seraient ces barbares, Hérules ou Goths, qui, au cours de leurs migrations, auraient campé derrière les remparts du vieux fort des Atrides ; ils y auraient enseveli, avec leurs trésors, leurs chefs tombés dans quelque combat. Toute cette orfèvrerie, que Schliemann croyait contemporaine d’Homère, le serait de celle qui est connue des antiquaires français sous le nom de mérovingienne[1].

Exposée en ces termes, avec ces indications de temps et ces noms de peuples connus, l’hypothèse devenait plus facile encore à combattre que lorsqu’elle se dérobait dans la vague pénombre d’une époque indéterminée et d’agens mystérieux. Ce soin, M. Percy Gardner s’en acquitta, de main de maître, dans le premier volume d’un recueil périodique que les hellénistes anglais commencèrent de publier, en 1879, sur le modèle de l’Annuaire que faisait paraître, déjà depuis plusieurs années, l’Association pour l’encouragement des études grecques en France[2]. Après la lecture de ces quelques pages, aucun doute ne pouvait subsister. Stephani admet que ces barbares ont dû enfouir, avec les objets fabriqués par eux-mêmes, dans le goût et le style qui leur sont propres, des objets plus anciens, qu’ils auraient ramassés en mettant la Grèce au pillage ; mais alors, comment se fait-il que l’on n’ait pas trouvé là une seule monnaie grecque ou romaine ? Comment, au IIIe siècle de notre ère, toutes les armes déposées près de la dépouille de ces guerriers sont-elles de pierre ou de bronze ? Comment ne rencontre-t-on pas là une parcelle de fer ?

  1. C’est dans le Compte-rendu de la commission impériale archéologique de Saint-Pétersbourg, 1877, p. 31 et suivantes, que Stephani a exposé son hypothèse hérule.
  2. Journal of Hellenic studies, t. I, p. 94 : On the tombs of Mykenœ.