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être un accident, ils ont éclairé ou décidé subitement une situation nouvelle ; c’est que tout ce qui arrive ne serait pas arrivé ou aurait eu un autre caractère, s’il n’y avait eu tout un ensemble de causes profondes. Panama est survenu ; mais avant Panama il y avait eu Carmaux, et avant Carmaux, il y a eu pendant des années une politique qui n’a été trop souvent qu’une exploitation de règne, qui a tout épuisé et tout ruiné, qui est jugée aujourd’hui par ses fruits et par ses œuvres. La vérité est que tout a changé, que ces quelques mois ont suffi pour vieillir en quelque sorte les idées et les hommes. Ce qui s’est passé depuis dix ans sous le nom de concentration républicaine est usé et fini. C’est si évident qu’on peut, si l’on veut, faire une hypothèse. Qu’on suppose un ministère, le ministère Ribot ou tout autre, essayant de se replier vers les radicaux, de gouverner avec eux en flattant leurs passions de secte : il ne durerait pas huit jours ! Un politique éclairé du parlement aurait eu récemment, assure-t-on, un mot piquant : « La république sans les républicains est un non-sens, aurait-il dit ; la république sans les conservateurs est une impossibilité ou un danger. » C’est un mot dont les événemens sont en train de faire une réalité.

On ne l’a jamais mieux vu peut-être que dans cette discussion qui s’est ouverte dernièrement au Palais-Bourbon sur le budget des cultes, et sur l’ambassade française au Vatican. Un rapporteur du budget, un sectaire d’il y a dix ans, M. Dupuy-Dutemps, avait fait une trouvaille de politique anticléricale qui, à dire vrai, n’avait rien de nouveau, mais qu’il avait perfectionnée et qu’il jugeait sans doute merveilleuse. Proposer la suppression sommaire du budget des cultes, c’était peut-être pour le moment un peu risqué. L’ingénieux rapporteur avait trouvé mieux. Il avait imaginé, sous prétexte de rentrer dans le droit concordataire, de supprimer tout ce qui n’avait pas été nominativement désigné par le concordat de l’an IX. C’était bien simple ! On pouvait ainsi, sans bruit, sans négociation avec le saint-siège, supprimer bon nombre d’évêques, tous les vicaires-généraux, plus de cinq cents cures de cantons, la plus grande partie des trente-cinq mille desservans de France. On ramenait tout doucement le budget ecclésiastique à trois ou quatre millions ; seulement on arrivait aussi à la désorganisation complète du service des cultes ! — Ce que M. le rapporteur du budget appelait un retour au droit concordataire était tout simplement un outrage au droit, et de plus une hypocrisie par une interprétation judaïque d’une des plus grandes transactions de l’histoire ; c’était en même temps la continuation sournoise de cette guerre religieuse qui depuis dix ans a faussé la situation de la France et n’a certes rien de commun avec la pensée souveraine de l’acte pacificateur de messidor. Le fait est que M. le rapporteur Dupuy-Dutemps n’a pas