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moulins à blé ressort en moyenne, intrinsèquement, à 275 francs, du XIIIe au XVIe siècle ; c’est à peu près 1,200 francs de nos jours. Les fours banaux donnaient un loyer qui alla en diminuant à mesure qu’on approcha des temps modernes.

Les péages et travers étaient, au contraire, d’un moindre rendement, à l’origine, qu’ils ne le furent par la suite. Ceux qui atteignent, en pleine féodalité, un revenu de 400 francs sont rares, et je n’en ai pas trouvé qui dépassent 500 francs. L’absence de circulation empêche les peuples de sentir trop vivement le poids de ces barrières ; quand, au contraire, le commerce se développa, bien que la concurrence naturelle ait porté les propriétaires de péages à réduire les tarifs plutôt qu’à les exagérer, de peur d’éloigner les marchands, la recette totale n’en fut pas moins sensiblement haussée.

La plus forte taxe indirecte que les seigneurs eussent stipulée est le droit de transmission sur les immeubles. Aux XIIIe et XIVe siècles, ces droits vont communément à 20 pour 100 de la valeur et quelquefois au-delà, mais leur quotité baissa par la suite et devint, aux derniers âges de l’ancien régime, l’objet de marchandages et de conventions arbitraires entre les acquéreurs de biens roturiers et le propriétaire de la « censive. »

Partout ces droits féodaux allèrent sans cesse s’évaporant, depuis le lendemain de l’abolition du servage jusqu’au jour delà révolution. Chaque fois que surgit une contestation entre le seigneur et ses feudataires, une transaction intervient, d’où les avantages réservés au seigneur sortent modérés, affaiblis. Miette à miette sa dépossession se consomme, irrévocable ; attaqué tantôt sur un point, tantôt sur l’autre, l’héritier du banneret perd tout ce que gagnent les héritiers du serf. Beaucoup de ces taxes, à vrai dire, sont rachetées argent comptant par ceux qui les doivent : ici, les habitans s’affranchissent du « droit de stérilité » (d’exorquia), taxe bizarre, qui réparait sans doute le tort fait au château par l’infécondité des vassales ; là, les tenanciers achètent à leur seigneur la banalité du four. Grand nombre de moulins banaux, dont on constate la disparition dès le XVe siècle, ont ainsi perdu leur caractère fiscal. D’autres sont détruits durant les guerres et ne reparaissent plus.

Les habitans d’Allan (Dauphiné) sont confirmés, par un accord de 1443, dans le droit de vaine pâture et dans la liberté « de couper du bois pour tous usages, même pour le vendre. » En 1785, on retrouve ces mêmes habitans aux prises avec leur seigneur, dans des procès dont l’objet n’est rien moins que le sol de la commune ; les usagers, après une jouissance cinq fois séculaire, étaient menacés de voir ce sol leur échapper. Après mille chicanes,