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rencontrés en assez grand nombre sur un même point, comme les gisemens de nos cavernes ou de nos palafittes, pour que l’on puisse se représenter avec quelque vraisemblance, d’après ces données, les habitudes des hommes auxquels ils ont appartenu et l’aspect des demeures qu’ils habitaient.

On aurait peut-être trouvé en. Argolide, sur le roc de Tirynthe, les élémens de la restitution d’un de ces ensembles, si là d’autres bâtimens n’étaient venus les recouvrir. Vers l’angle nord-est de la citadelle, à trois mètres au-dessous du dallage du palais, on a relevé les vestiges d’un très ancien établissement, murs en petits moellons reliés par de la boue, tessons de poterie, instrumens de pierre ; mais la fouille n’a misa découvert cette couche inférieure de débris que sur une très faible surface. C’est en Asie, sous les décombres de Troie, que l’on rencontre ce qui permet de définir, d’après des échantillons beaucoup plus nombreux, les procédés d’une industrie assez voisine de son point de départ.

Là, tout au fond de l’énorme tranchée que Schliemann a creusée dans ses fouilles de 1872, au travers de la butte d’Hissarlik, à 16 mètres au-dessous du sol actuel, on a mis au jour, sur une longueur de 45 mètres et une largeur de 15, les restes du premier village qui se soit bâti sur cet éperon de la montagne. Les murs, murs de défense et murs de maisons, offrent le même appareil grossier qu’à Tirynthe. Les armes et les outils sont presque tous en pierre ; à peine aperçoit-on quelques faibles traces d’un métal, le cuivre pur. La poterie, mal cuite, et faite d’une terre pleine de menus cailloux, est monochrome, quelquefois jaune, rouge ou brune, le plus souvent noire ; ce noir, très foncé, aurait été obtenu au moyen d’une pâte de résine appliquée sur l’argile avant la mise au feu. Les vases sont de formes lourdes et à parois très épaisses ; ils n’ont pas d’anses ; ce qui en tient lieu, c’est deux renflemens de la panse, sortes de grosses oreilles en saillie dont chacune est traversée par un double trou vertical et tubulaire ; on y passait une corde qui servait à suspendre la jarre. Aucun décor peint, mais des lignes incisées dont le creux est rempli d’une craie blanche. Il y a des chevrons, des barres parallèles, des semis de points ; c’est l’ornement géométrique à l’état naissant. Quelques fragmens révèlent, chez l’ouvrier, l’intention de représenter ou plutôt de rappeler le visage humain ; les yeux, avec leur prunelle, sont indiqués, et parfois le nez.

Ce qui, avec la pierre et l’os, fait le fond du matériel dont disposait cette peuplade, c’est la terre cuite. Elle a fourni aussi des disques lenticulaires, percés au centre d’un trou, que l’on a appelés fusaïoles. On leur a donné ce nom parce que l’on y a vu