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pour assister au combat qui va se livrer, devant le rempart, entre Paris et Ménélas. L’indication est d’autant plus curieuse à relever chez le poète que ce trait n’a pas dû lui être fourni par l’observation directe. Ni en Grèce, ni en Asie-Mineure, on ne bâtissait plus rien de son temps qui ressemblât à ces puissantes enceintes où se retranchaient les princes de l’âge héroïque. Dans la Grèce d’Europe, Sparte restera, jusqu’aux derniers jours de l’antiquité, le type de ces villes ouvertes qui ne voulaient, comme dit Alcman, « d’autres remparts que des hommes braves, » et, même sur la côte d’Asie, on paraît s’être d’abord passé de ces détenses. Ce fut sous la menace de la conquête lydienne, puis sous celle, plus redoutable encore, de la conquête perse que les cités grecques recommencèrent à s’entourer de murailles et de tours. En tout cas, si Homère avait sous les yeux des enceintes fortifiées, il n’y voyait rien de pareil à la première porte de Troie. Sans doute, il se sert là d’une de ces formules, comme il y en a tant chez lui, qui remontent aux débuts mêmes du chant épique. Bien avant la catastrophe qui détruisit la ville, cette entrée avait été bouchée et remplacée par deux autres portes, construites sur un plan tout différent. Celles-ci sont trop larges pour avoir jamais été recouvertes par un plafond ; on y accédait par des rampes extérieures, soigneusement dallées, et elles s’ouvraient non plus à travers le corps d’une tour massive, mais dans la courtine. Ce qui les constitue, c’est une chambre comprise entre deux vestibules ; il y avait double clôture ; un solide vantail fermait chacune des deux baies pratiquées, l’une dans le mur antérieur et l’autre dans le mur postérieur de la pièce. Cette disposition, c’est celle que l’on retrouvera, plus tard, dans les portes des enceintes de l’âge classique, par exemple, dans les murs célèbres de Messène, et même, avec les colonnes en plus, dans les Propylées de l’Acropole d’Athènes. Ici, comme dans ces types plus récens de l’architecture militaire, ce n’est plus au-dessus de la porte même, c’est auprès d’elle, des deux côtés et à une certaine distance, que font saillie les tours qui en battent les abords.

Sur le terre-plein qu’enferme ce rempart, il y a les restes d’assez nombreux bâtimens, dont l’appareil est, avec une moindre épaisseur de mur, le même que celui de l’enceinte. Ces bâtimens ne datent pas tous du même temps ; c’est sur les ruines de maisons plus anciennes que sont construits ceux qui paraissent avoir eu le plus d’importance, les seuls dont le plan permette une conjecture sur leur destination. Le principal de ces édifices faisait face à la porte du sud-est. On y a reconnu la première ébauche d’un type que nous étudierons de préférence à Mycènes et à Tirynthe,