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plus léger et de beaucoup qu’aucun autre métal, est, en effet, moins bon conducteur que l’or ou l’argent ; mais il l’est presque autant que le cuivre, il l’est deux fois plus que le fer. La proportion est sensiblement la même s’il s’agit, au lieu de la chaleur, de livrer passage à l’électricité. — Il en résulte qu’un fil d’aluminium laissera dans le même temps s’écouler une quantité d’électricité double de celle qui pourrait circuler dans un fil de fer de même dimension ; ou, ce qui revient au même, qu’une quantité donnée d’électricité s’écoulera dans le même temps soit par un fil de fer d’une certaine grosseur, soit par un fil d’aluminium moitié moins gros, et pesant par conséquent près de six fois moins, puisqu’à dimensions égales, l’aluminium est près de trois fois moins lourd que le fer. C’est la substitution très probable dans un avenir prochain de l’aluminium au fer sur nos lignes télégraphiques, sans compter que l’inaltérabilité de l’aluminium dispensera de la galvanisation, nécessaire au contraire pour préserver le fer des influences atmosphériques.

Si, pour la conductibilité, l’aluminium l’emporte sur le fer et l’acier, il n’en est plus de même au point de vue de la ténacité. Cette qualité peut se définir la résistance aux divers efforts, arrachement, flexion, torsion, qui tendent à rompre le métal, à en dissocier en un certain point les molécules. À volume égal, l’aluminium et la fonte de fer ont à peu près la même force de résistance à ces diverses actions. Celle du cuivre n’est pas tout à fait double, mais celle du fer est plus de trois fois plus grande, et celle de l’acier, cinq fois environ. Le chemin de fer du Midi traverse la Gironde à Bordeaux, sur un pont en fer. Imaginons pour un instant qu’à ce métal on ait voulu substituer l’aluminium, — en admettant toutefois qu’on ait pu s’en procurer une quantité suffisante. — Pour donner au pont la résistance qu’il a actuellement, et qui lui est indispensable, pour lui conserver ce qu’on peut appeler son coefficient de sécurité, il eût fallu tripler le volume de toutes les pièces qui le composent, en augmenter toutes les dimensions. Il n’eût pas, il est vrai, été plus lourd qu’il n’est aujourd’hui, mais il aurait eu un aspect pour le moins singulier, et la substitution d’un métal à l’autre, en écartant pour un instant la question de prix, n’eût dans ce cas présenté aucun avantage. Mais, dans une foule d’autres circonstances, la question d’une plus ou moins grande résistance est sans intérêt, et les autres qualités de l’aluminium, ductilité, conductibilité, légèreté, surtout, peuvent être des raisons prédominantes pour l’employer. C’est la question de prix qui jusqu’ici en a limité l’usage. C’est là une loi générale. Lorsque vers la fin du xviir9 siècle on apporta d’Amérique cette blanche laine végétale, dont on