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Fille à Marcassin, qu’y a-t-il de plus avantageux de toucher deux mille francs par mois et vingt-cinq francs de feux, ou seulement quinze cents francs, mais cinquante francs de feux ? Que si par hasard vous ignoriez ce que c’est que des « feux… » Mais je ne vous ferai pas cette injure. Puis, le second acte vous introduira dans la loge de Flipote, où, à la lumière des lampes électriques, parmi les boîtes à poudre, les pots de fard et les pattes de lièvre, vous vivrez une vie agitée et fiévreuse, au bruit lointain des applaudissemens et des huées tour à tour. Alors vous serez témoins des vicissitudes qui peuvent, selon les hauts et les bas d’une première, dans l’espace d’un entr’acte, entre « le deux » et « le trois, » bouleverser des âmes cabotines et directoriales ; vous verrez, comme dit Bossuet, toutes les extrémités des choses humaines, et ce second acte vous fera paraître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. Aux yeux du monde des théâtres, et sans doute le dessein de M. Jules Lemaître était de nous donner une telle leçon, mais telle est aussi la vanité de ces choses, que c’est vanité encore de nous montrer qu’elles sont vaines. Heureusement il ne s’agit ici que d’un délassement et, je veux l’espérer pour le merveilleux talent de M. Lemaître, d’une exception. Le délicieux critique des Débats, l’auteur de Révoltée, du Député Leveau et de Mariage blanc, a ses jours de gaminerie ; mais il a ses lendemains aussi, que je préfère, pour leur sérieux, leur douceur, leurs pensées profondes, et quelquefois, leur tendre mélancolie.

Les comédiens de Flipote ont montré de la grandeur d’âme et rendu à M. Lemaître le bien pour le mal. Tous, mais avant tous M. Galipaux, ont joué, ou se sont joués à merveille.


CAMILLE BELLAIGUE.