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ministre Lerdo de Tejada fut comme une affirmation de la doctrine de Monroë jetée à la face de l’Europe. Juarez survécut peu à son triomphe. Son successeur, Lerdo de Tejada, voulut écraser le parti adverse, et, en 1873, il fit voter par le congrès les lois dites de Réforme par lesquelles l’Église fut absolument séparée de l’État. Le mariage était déclaré un contrat purement civil et les actes de l’état civil retirés au clergé ; le port du costume ecclésiastique et les cérémonies, extérieures du culte étaient interdits ; non-seulement les vœux monastiques n’étaient plus reconnus, mais toutes les congrégations religieuses étaient dissoutes ; l’enseignement et l’assistance des pauvres et des malades étaient laïcisés. Les sœurs de charité françaises furent chassées des hôpitaux et expulsées du territoire de la république. En un mot, c’est l’idéal du radicalisme européen qui a été réalisé dans un pays où les pratiques du culte tiennent dans les habitudes des populations une place plus grande que partout ailleurs. Cependant, Lerdo de Tejada se rendit si odieux même au parti libéral par son despotisme et par la dilapidation des finances qu’un nouveau pronunciamiento éclata en 1876 et porta au pouvoir Porfirio Diaz, le plus brillant général de Juarez. Depuis lors, il est resté le maître du pays. Il se fit remplacer à la présidence de 1880 à 1884 par une de ses créatures, le général Gonzalez, dont l’administration étroite et cupide le fit encore plus désirer. En 1884, il a repris la présidence et a modifié la constitution de manière à pouvoir s’y perpétuer par des réélections successives. En mai 1892, il a été réélu pour la quatrième fois avec la quasi-unanimité qui distingue les élections au Mexique.

Ce n’est pas seulement le caractère accidenté du pays et l’absence de voies de communication qui ont rendu possible une période de guerres civiles si longue qu’elle rappelle presque la guerre de cent ans ; c’est surtout la composition de la population.

Sur les 12 millions environ d’habitans du Mexique, on calcule que les personnes de race espagnole pure ou, pour mieux dire, qui reproduisent le type espagnol, ne sont pas au-delà de 1 million 1/2. La majeure partie, plus de 6 millions, appartient aux races autochtones, et, quoique leurs langues soient très différentes, on leur applique le nom générique d’Indios. Près de 4 millions d’individus sont des gens de sang mêlé, qui généralement parlent l’espagnol et qui, selon leur degré d’instruction et leur position de fortune, vivent soit comme des blancs, soit comme des Indiens. Du reste, cette classification n’a rien d’absolu. Des personnes ayant très peu de sang espagnol dans les veines sont, au point de vue des manières et du développement intellectuel, absolument les égales des Castillans les plus distingués. D’autre part, on trouve