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que l’on a provoquée par les lois de mai. » L’audience fut levée là-dessus. Le succès de M. Geffcken était mince. Il était venu pour récriminer contre l’Église, et voilà que c’était l’Église qui récriminait contre l’Allemagne ; il était venu pour obtenir, et on lui avait demandé. En descendant les deux cents marches de la Scala Regia, il put se dire que l’ecclésiastique romain avait raison et que, une demi-heure encore auparavant, il ne connaissait pas la cour de Rome.

Nous n’avons pas, est-il besoin de l’assurer ? insisté sur cette anecdote en elle-même insignifiante, pour le vain plaisir de montrer M. Geffcken dans une posture assez embarrassée. Mais il est toujours bon de connaître l’état psychologique d’un homme qui prend la plume, de savoir si, en écrivant, il a ou n’a pas de passion. La brochure de M. Geffcken laisse partout percer du dépit ; ce dépit, on en voit la cause : il a échoué dans la mission que lui avait confiée M. de Manteuffel. Il a échoué en des conditions et sur un point qui devaient lui rendre particulièrement sensibles, particulièrement désagréables, certains actes postérieurs de la politique du souverain pontife. Il était venu solliciter l’intervention du pape, en faveur de l’Allemagne, auprès du clergé alsacien-lorrain. Le cardinal secrétaire d’État refuse, le pape répond évasivement. On invoque la tradition, qui est de ne pas intervenir. Plus tard, le saint-siège intervient et dans le différend des Carolines et dans le vote du septennat militaire et près des catholiques d’Irlande et près des catholiques français. C’est ce que M. Geffcken ne lui pardonnera pas. Lisez et relisez son factum. Vous n’y trouverez que cela. M. H. Geffcken, tout au long de ses soixante-dix pages, accuse le pape de contradiction, oubliant que la pire contradiction, c’est lui, M. Geffcken, qui la commet, lorsqu’il blâme Léon XIII d’intervenir dans les affaires intérieures des États et dans les conflits entre deux États, après avoir été, — inutilement, mais ce n’est pas sa faute, — le supplier d’intervenir dans la question franco-allemande en Alsace-Lorraine.

Ce mécontentement, ce dépit enlève beaucoup d’autorité à la dissertation politique de M. Geffcken. Les termes sont ainsi renversés ; l’accessoire devient le principal et le principal l’accessoire ; l’état psychologique de l’auteur passe avant le texte même de l’écrit. On ne voit guère qu’un point sur lequel il ait rendu justice à Léon XIII. C’est à propos du Kulturkampf, lorsqu’il dit, au contraire de ce qu’on a pu lire souvent, que l’attitude du pape en cette occasion est « une belle page de son histoire, » lorsqu’il avoue que « la suavité de Léon XIIJ, accommodante pour la forme et tenace pour le fond, » a triomphé de la volonté brutale de M. de