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négociations (M. Ribot l’a dit, il n’y en a pas eu), mais aux conversations dont le résultat, le résumé, a été l’encyclique aux catholiques français. Le langage que le pape a tenu dans cette encyclique, il le tenait au premier venu qui, sans mission, sans mandat, lui parlait des affaires de France. Je n’étais que ce premier venu, mais en 1890, 1891 et 1892, j’ai eu de Léon XIII trois longues audiences privées et du cardinal secrétaire d’État tant d’audiences que je ne les compte plus. Au cours de sept ou huit voyages d’études en Italie, il m’est arrivé de toucher à des sujets brûlans, qui pouvaient faire naître la question de l’indépendance du pape et, par extension, celle du rétablissement du pouvoir temporel : par exemple, la loi sur les Œuvres pies et les fêtes du 2 octobre 1891 : l’incident des pèlerins français au Panthéon.

Jamais cette question n’a été abordée ; jamais, sauf une fois, on ne m’en a dit un mot. Une fois le cardinal Rampolla m’en dit un mot, et voici le mot qu’il m’en dit : « La question romaine n’est pas réglée, mais elle n’est pas posée et ne se pose pas ; s’il plaît à Dieu de la résoudre et quand il lui plaira, sa providence la résoudra bien. » Quant à Léon XIII, pas un mot, pas même ce mot-là. S’il a vraiment cette idée fixe, la restauration du pouvoir temporel, il met à la dissimuler un art incomparable. Elle ne se fait pas jour : M. Bonghi, M. Geffcken et le diplomate avoueront que ce n’est pas, en général, le cas pour les idées fixes.

Que Léon XIII ait, en son cœur, renoncé ou non à la possession de Rome, peu nous importe. Nous nous rappelons toutes ses protestations, toutes ses revendications publiques, faites en vertu de ses sermens et des devoirs de sa charge ; nous ne nous sommes point aperçus qu’il eût pour le pouvoir temporel cet amour passionné que M. Bonghi qualifie irrévérencieusement de bramo senile del vecchio. L’eût-il, que peu nous importerait encore. Ce qui nous importe, c’est que tout le monde sache que pas un mot de ce désir, pas un mot de cet amour, Léon XIII ne l’a dit à la France ; c’est que personne ne puisse insinuer que le secret de sa bienveillance pour nous est dans ce désir, dans cet amour que la France aurait flatté. Nous ne l’avons pas flatté, nous n’avons pas eu à le flatter, par la raison, qui dispense d’en donner d’autres, que Léon XIII ne l’a pas laissé voir.

Ce qu’on appelle assez improprement « l’adhésion du pape à la république » a été, — que M. Bonghi veuille bien m’en croire, — un acte spontané, inconditionnel. La France n’a rien demandé au saint-siège. Le saint-siège n’a rien demandé à la France. En échange du concours moral qu’il prêtait à la république, Léon XIII n’a demandé ni la restauration du pouvoir temporel, ni une intervention auprès