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une autre œuvre que des juges compétens s’accordent à attribuer à Contucci : je veux parler d’un petit monument en l’honneur d’un certain Pietro de Vincenti, qu’on voit dans le corridor, près du portail sud de l’église Araceli. Essai préliminaire ou réduction postérieure[1] de la grande composition dans le chœur de Santa-Maria del Popolo, le morceau témoigne, dans l’un comme dans l’autre cas, d’une monotonie d’invention vraiment désolante.

Qu’un artiste dénué à ce point d’originalité et de puissance créatrice fût parvenu à inspirer tant d’admiration aux contemporains de Jules II, il faut en chercher surtout la cause dans l’élégance incontestable et la suprême distinction de son ciseau, dans son effort assidu, et bien souvent couronné de succès,.pour s’approprier certains idiotismes gracieux de l’ancienne statuaire. N’oublions pas que le charme de Raphaël n’a point encore opéré en ces années 1506 et 1507 : le magnifique enchanteur qui saura bientôt évoquer Calliope dans la fresque du Parnasse et faire sourire Galatée sur un pan de mur de la villa Chigi, vient à peine de quitter ses vallées d’Ombrie. L’art classique n’a été étudié jusque-là que dans ses détails extérieurs par un Donatello, un Mantegna et un Ghirlandajo entrevu comme dans un rêve printanier par Botticelli ; seul Michel-Ange a pénétré au fond du sanctuaire, mais n’a daigné s’y incliner que devant les grands mystères et les grandes terreurs. C’est à ce moment qu’apparut Contucci dans la ville éternelle avec un sens très aiguisé pour les fines et aimables qualités de la sculpture et de l’ornementation antiques, et il ravit les Romains par une préoccupation constante de la beauté, — beauté quelque peu vague et conventionnelle, mais agréable, — par la recherche surtout d’une décoration à la fois riche et exquise. Son succès fut nécessairement aussi prompt que de courte durée, du moins auprès des esprits supérieurs. Il est remarquable, assurément, qu’à partir de 1507Sansovino n’a plus reçu de nouvelle commande du pape mécène, malgré toute la protection de Bramante, et que le seul travail qu’il ait encore fait du vivant de Jules II fut pour le compte du protonotaire allemand Coritius (1512). Le fameux groupe à Sant’Agostino (la Vierge avec l’enfant et sainte Anne) est une traduction en marbre du carton de Léonard de Vinci : œuvre hybride et dont je me résigne à ne pas comprendre le mérite tant exalté par maint connaisseur.

Les deux grands tombeaux dans l’église au pied du Pincio n’en constituent pas moins une date mémorable, et marquent une

  1. Ici, comme sur les monumens de Sforza et de Basso, le millésime (1504) indique seulement la date du décès.