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sur le littoral du golfe de Bénin et dans les territoires qui l’avoisinent. Qu’en sera-t-il réellement ? Quels seront les résultats définitifs et pratiques de l’opération de guerre exécutée en plein Dahomey pour vaincre la résistance obstinée et insultante du roi nègre Behanzin ? Jusqu’ici, il n’y a pas à s’y tromper, on ne connaît que la partie brillante et relativement facile de l’entreprise. Dès que parlement et gouvernement étaient décidés à avoir raison d’un ennemi irréconciliable, le succès ne pouvait être douteux. Un habile officier, le colonel, depuis général Dodds, a été chargé de la campagne, et il l’a conduite avec autant de prudence que de vigueur. Il a dirigé son expédition dans l’intérieur en chef expérimenté, marchant avec précaution et sûreté, aussi prévoyant dans l’administration de sa petite armée que résolu et énergique dans les actions de guerre qu’il a eu à soutenir. C’est à travers les plus sérieuses difficultés locales et une série de combats sanglans qu’il est arrivé à planter le drapeau de la France à Abomey, au cœur du pays, et à chasser le roi Behanzin de son royaume. Le général Dodds a pris possession du pays, au moins des points principaux, autant qu’il le pouvait avec des forces limitées. Il a accompli son œuvre de chef militaire. Que fera-t-on maintenant ? C’est là justement la question qui s’est agitée l’autre jour au palais Bourbon et qui, à dire vrai, n’a été nullement résolue. Elle reste entière, elle n’est point aisée à résoudre. Elle est d’autant plus sérieuse, que la pacification intérieure n’est rien moins qu’accomplie, que le climat est dur pour nos soldats et que le roi Behanzin, qui a, il faut l’avouer, vaillamment défendu son pays, ne paraît pas découragé. Si on se borne à occuper le littoral, on risque d’avoir bientôt à subir l’assaut d’une armée dahoméenne reconstituée ; si on s’engage dans l’intérieur, on est exposé à être entraîné dans des aventures aussi meurtrières qu’onéreuses. C’est la fatalité de ces guerres indéfinies en pays inconnu. On sait comment elles commencent, on ne sait jamais quand elles finiront et ce qu’elles coûteront.

On ne peut jamais dire sans doute ce qui arrivera, ni en France, ni en Europe, ce que réserve l’imprévu, quels incidens peuvent se produire qui du jour au lendemain changeraient la situation générale du monde. On peut du moins dire que, pour le moment, presque partout il y a assez d’affaires pour occuper les peuples et les gouvernemens, pour les détourner des querelles internationales. L’Allemagne, comme d’autres, a certainement ses crises intimes, ses agitations socialistes, même ses scandales ; elle a aussi ses conflits de pouvoirs, ses difficultés parlementaires, et la première de toutes ces difficultés aujourd’hui est évidemment cette question de réforme militaire qui depuis des mois est livrée aux discussions les plus passionnées, qui a été l’objet de toute sorte de négociations entre les partis, qui semble à l’heure qu’il