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il avait aussitôt rassemblé les premiers élémens d’un corps d’expédition à Toulon et il avait fait offrir à Pie IX l’hospitalité française. Que serait-il arrivé si Pie IX avait accepté l’asile qui lui était offert en France ? C’eût été sans doute le commencement de bien autres complications ; mais le pape était déjà retiré sur le sol napolitain, à Gaëte. La question ne restait pas moins tout entière pour le gouvernement du 10 décembre, pour le nouveau ministère ; elle s’aggravait encore plus le jour où les Autrichiens vainqueurs du Piémont à Novare, déjà maîtres de Florence et de Bologne, pouvaient marcher sur Rome. Laisserait-on les Autrichiens aller seuls ou de concert avec les autres puissances catholiques rétablir le saint-père au Quirinal ? Laisserait-on la république artificielle et anarchique qui venait de naître au Capitole se substituer à la souveraineté pontificale considérée jusque-là comme une garantie par la catholicité ? Ou bien enfin, par un dernier expédient, pour éviter les interventions étrangères, chargerait-on le Piémont, le vaincu de Novare, d’aller accomplir par des mains italiennes la restauration du souverain pontife ? C’était là le problème qui s’agitait à Paris, au loyer d’une révolution mal éteinte, entre une assemblée qui avait témoigné son intérêt pour Pie IX, mais qui s’arrêtait devant l’extrémité d’une expédition contre la république romaine, et un gouvernement incertain, flottant encore entre toutes les résolutions.

Je ne veux pas dire que M. de Falloux décidât seul l’intervention, que seul il eût le don de dégager de ce fouillis de conseils la pensée d’une restauration du souverain pontife à Rome par les soins de la France. Il était évidemment entre tous le plus actif, le plus résolu du ministère. M. Odilon Barrot, dans ses Mémoires, ne cache pas le rôle pressant et prépondérant de son brillant collègue. « M. de Falloux, dit-il, nous pressait vivement de nous prononcer pour la restauration immédiate du pouvoir du pape à Rome ; il ne laissait guère passer de séance du conseil sans y poser cette question d’intervention… » Secondé par un jeune député qui venait d’entrer au ministère et qui débutait dans la politique, M. Buffet, par le ministre des affaires étrangères qui voyait surtout l’intérêt diplomatique, par le ministre de la guerre, — moins soutenu par d’autres membres du conseil, — M. de Falloux poursuivait sa campagne : il avait réponse à tout.

À ceux qui craignaient de compromettre la France dans une aventure, il disait que s’abstenir c’était tout abandonner à l’Autriche, perdre l’ascendant français au-delà des Alpes, livrer Rome reconquise par d’autres aux influences absolutistes, à toutes les réactions. À ceux qui, par une superstition de parti, hésitaient à tourner les armes de la France contre une république, il disait que cette république romaine