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à leurs efforts, je pourrais dire à leurs agitations ; il partageait leurs vœux, leurs illusions et leurs anxiétés.

Comment cette restauration monarchique, qui semblait facile, n’a-t-elle été qu’un mirage ? Les uns ont accusé M. Thiers d’avoir tout empêché, de n’avoir point voulu être le Monk civil de la restauration nouvelle ; les autres ont accusé M. le comte de Chambord de n’avoir point su se prêter aux transactions nécessaires. Les purs de la légitimité ont accusé les orléanistes d’avoir tout perdu par des intrigues. Les plus réfléchis ont toujours cru voir qu’il y avait une secrète logique des choses qui faisait qu’il n’était pas si aisé de réconcilier des traditions, des principes si différens. Le fait est que deux fois en quelques années on croyait toucher au succès et que toujours ce rêve de monarchie s’évanouissait. La première fois, c’était au commencement de juillet 1871, à ce moment où la défaite récente de la Commune semblait favoriser toutes les tentatives et où l’abrogation des lois d’exil rendait leur liberté aux princes. M. le comte de Chambord était venu sans apparat, sans bruit en France ; il avait passé vingt-quatre heures à Paris, visitant, le cœur serré, des ruines encore fumantes, ce qui restait des Tuileries, tout ce qu’il n’avait pas vu depuis quarante ans, — et il avait aussitôt gagné Chambord. Des négociations discrètement conduites avaient préparé en même temps, dit-on, une entrevue des princes, une visite de M. le comte de Paris au chef de la maison royale. Tout semblait décidé ; la joie était déjà au camp royaliste, lorsqu’un nuage s’élevait subitement. Que s’était-il passé ? M. le comte de Chambord, en témoignant le plaisir qu’il aurait à recevoir son cousin, mettait sa loyauté à dissiper toute équivoque et croyait devoir différer la visite de M. le comte de Paris jusqu’après la publication de la déclaration royale qu’il préparait, qu’il tenait à dater de Chambord, — et la déclaration royale éclatait en effet comme un coup de foudre, le 5 juillet ! C’est le « manifeste de Chambord, » ce manifeste où le prince, arborant avec fierté, par un sentiment d’honneur, le drapeau blanc, ajoutait : « Je l’ai reçu comme un dépôt sacré du vieux roi, mon aïeul, mourant en exil. Il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente. Il a flotté sur mon berceau, je veux qu’il ombrage ma tombe… » Dans son ensemble, par son esprit, ce manifeste ressemblait à une « rupture avec la société moderne. » C’est M. de Falloux qui l’a dit !

Vainement, à la dernière heure, les serviteurs les plus fidèles, les amis les plus éclairés ou les plus dévoués de la monarchie, M. de La Rochefoucauld, M. de Gontaut-Biron, M. de Maillé, l’évêque d’Orléans lui-même, étaient accourus à Chambord pour essayer de