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n’est loué que 10 francs en 1669, après avoir été transformé en prairies.

Ces tentatives n’en témoignent pas moins d’une ardeur à étendre la superficie agricole qui fait honneur au XVIIe siècle. On continue à mordre sur les pâtures, sur les bois ; aux portes de Paris la fameuse forêt de Bondy, de peu rassurante mémoire, qui avait 700 hectares en 1573, n’en avait plus que 350 en 1690, « par suite des usurpations et aliénations en diverses fois, » dit le rapport administratif. En comparant le milieu du règne de Louis XIII avec le milieu du règne de Louis XIV, on voit que de 1625 à 1675 le revenu de la terre avait augmenté, et que cependant le prix du blé avait diminué, indice certain de progrès matériel. Malheureusement, ce siècle finit dans la misère, et son successeur commença aussi pauvrement. Le terrain conquis en quatre-vingts ans lut reperdu en vingt ans. Les victoires, puis les défaites, avaient épuisé la France, et nombre de fermes furent de nouveau délaissées. Ce ne fut que sous le ministère du sage Fleury que se manifesta une reprise sérieuse qui continua jusqu’à la mort de Louis XV, et s’accentua assez, sous Louis XVI, pour dépasser de beaucoup tous les progrès des périodes antérieures.

Les classes les plus diverses de la société s’en mêlèrent ; c’était le temps des bergeries de Florian, on s’avisa de s’intéresser à la nature. L’agriculture devint à la mode ; comme de nos jours le socialisme, ce fut un sujet de conversation ; l’on raisonna, l’on déraisonna sur elle. Il y eut des comités, commissions, congrès et comices qui ne s’en tinrent pas à de purs efforts de paroles : car il fut fait davantage à cet égard, toute proportion gardée, dans les trente dernières années de l’ancien régime, par le gouvernement et par les particuliers, que dans les trois siècles précédons. « On peut dire, écrivait en 1765 le subdélégué de Clermont (Oise), qu’il n’y a pas dans la province de terre susceptible de production qui ne soit cultivée ; .. c’est au point que l’on réduit les chemins de communication, de village à autre, en petits sentiers. » Bien que le dernier trait, cité avec enthousiasme par ce fonctionnaire, ne dénote pas une grande intelligence des vrais intérêts ruraux, il ne faudrait pas prendre trop à la lettre ce qui est dit ici des frontières de la Picardie, ni l’appliquer au reste du royaume ; pas plus qu’on ne doit ajouter foi aux exagérations contraires d’un agronome pessimiste, le marquis de Turbilly, qui s’écriait à la même époque : « Tout bon citoyen, qui voyage dans les provinces, ne peut s’empêcher de gémir à la vue d’une si grande quantité de terres inutiles. Près de la moitié du terrain est en friche… »