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charrue « à essieu de fer (1596), » chose rare en ce temps où le fer était hors de prix. Mêmes écarts dans les temps modernes, où le 1er cependant était devenu moins coûteux. Seulement, l’abaissement de la matière première fut compensé par un perfectionnement relatif de la fabrication ; c’est ce qui rend difficile toute comparaison entre des outils si peu semblables.

Ainsi, les faux ne valaient pas plus cher intrinsèquement, en 1790, — 1 fr. 50, — qu’au XVe ou au XVIIe siècle ; et, comme le pouvoir de l’argent était moindre, on en doit conclure qu’elles étaient relativement meilleur marché. Cependant, quoique ayant baissé de prix, elles s’étaient améliorées. « Les faux, disait Mont-chrétien sous Henri IV, nous viennent d’Allemagne et de Lorraine, à moitié prix de celles que l’on fait chez nous, mais ne valent rien. Il s’en trouve une de bonne entre six. Tout ce qui a figure de faux se vend pour faux. Les boutiques des marchands sont pleines du rebut et les pauvres manœuvres de la campagne se plaignent sans cesse. » Les faux ne servaient qu’à l’herbe ; pour la paille, jusqu’au milieu de notre siècle, on la coupait à la faucille.

On la coupait mal, mais l’usage le voulait ainsi ; et non-seulement l’usage, mais la loi : une loi au rare parfum de socialisme qui ravirait les amateurs contemporains. Le glanage est un droit pour les gens « vieux et estropiés, petits enfans et autres qui n’ont pas la force de travailler. » Un jour franc après l’enlèvement des gerbes, le champ leur appartient ; le propriétaire ne peut légalement s’opposer à leur envahissement ; bien mieux, il doit se garder de couper sa paille trop près de terre, s’il ne veut provoquer les réclamations procédurières des gueux qui s’estimeraient frustrés de ce qui leur est dû. Des ordonnances royales, des arrêts de parlement, dont le dernier date de 1756, défendent, sous peine de fortes amendes, de couper les blés avec la faux « dont l’usage prive le pauvre de la ressource du chaume, qui sert dans sa cabane à le couvrir et à réchauffer ses membres engourdis. » Effectivement, on ne devait pas couper la paille de blé, en certaines localités, plus bas qu’à moitié de sa hauteur.

Les charrettes qui servaient à transporter cette récolte étaient grossièrement et mal assemblées ; on y employait aussi peu de fer que possible. Les essieux, presque toujours en bois, étaient lourds et faibles. Ces mauvaises voitures, circulant dans de mauvais chemins, portaient de très petits poids ; les tombereaux, très étroits, — le corps n’avait guère que 0m,33 de large, — contenaient très peu de volume. Quoique très bon marché de prime abord, ces véhicules revenaient, à l’usage, beaucoup plus cher que ceux qui