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Coritto et lui a envoyé Cerdoh, et Métro s’en va, munie de toutes les instructions qu’elle désirait.

L’introduction de cette conversation intime est une petite scène de gronderie où la maîtresse malmène son esclave à propos de rien. Métro vient d’entrer, et Coritto la fait asseoir :


Lève-toi et avance un siège… Il faut que je lui dise tout… Tu ne ferais rien de toi-même, malheureuse. Par ma foi, tu n’es pas une servante dans la maison, mais une vraie pierre ; mais quand tu mesures ta farine, tu la comptes grain à grain, et s’il en tombe seulement ça, toute la journée tu grondes et tu tempêtes à fatiguer les murs… Voilà maintenant que tu le frottes et le fais briller : c’est bien le moment ! Brigande, sacrifie à mon amie ; sans elle, tu connaîtrais la saveur de mes mains.

Métro. — Ma chère Coritto, tu uses le même joug que moi ; moi aussi, jour et nuit, je montre les dents et j’aboie comme un chien contre ces misérables. Mais l’objet de ma visite…

Coritto. — Débarrassez-nous de vos personnes, pendardes, qui n’êtes bonnes qu’à nous boucher l’esprit. Elles ne sont qu’oreilles et langues ; d’ailleurs, pour elles, c’est fête tous les jours.


Ces emportemens des maîtresses contre leurs servantes paraissent avoir formé dans les mimes d’Hérondas une espèce de lieu-commun qui sert à varier le développement et à en marquer le ton familier. C’est ainsi que, dans une autre pièce, une petite querelle de ce genre forme comme un intermède au milieu d’une description des statues et des peintures qui ornent un temple. Une des deux femmes qui les regardent donne une commission à son esclave, qui s’oublie à regarder :


Cydilla, va appeler le sacristain. Hé ! c’est à toi que je parle, toi qui regardes bouche bée, à droite et à gauche. Mâ ! tient-elle le moindre compte de ce que je dis ? Elle reste là à me regarder avec des yeux de crabe. Va, te dis-je, appeler le sacristain. Gouffre vorace, tu n’es bonne ni dans le temple ni en dehors ; partout aussi lourde. Je prends à témoin ce Dieu, Cydilla, car tu me fais bouillir malgré moi ; je le prends à témoin pour le jour où le rasoir te raclera la tête. (Elle permettait à son esclave de porter les cheveux longs.)


Ce sont les petites misères de la condition servile. Il y en a de plus grandes, dont Hérondas nous montre une variété dans le cinquième mime. Là, un esclave est aimé de sa maîtresse, et celle-ci est jalouse, d’une jalousie terrible. Le malheureux, excédé de la vie qui lui est faite, dit, aux premiers mots d’une nouvelle scène :