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ressemblait, et ils cabalaient avec toute l’autorité que leur donnait l’engouement du moment contre tout ce qui tendait à sortir de l’ornière tracée. La vie du Dominiquin, issu lui-même de cette école, mais porté par la sincérité de son génie à la recherche des expressions et des effets vrais, devient l’objet de la haine et de la persécution universelles. On alla jusqu’à menacer sa vie, et la fureur jalouse de ses ennemis le força à se cacher et presque à disparaître. Ce grand peintre joignait à la vraie modestie presque inséparable des grands talens la timidité d’un caractère doux et mélancolique ; il est probable que cette conspiration universelle contribua à abréger ses jours.

Au plus fort de cette guerre acharnée de tout le monde contre un homme qui ne se défendait pas, même par ses ouvrages, le Poussin, inconnu encore, étranger aux coteries……

Cette indépendance de toute convention se retrouve fortement chez Poussin, dans ses paysages, etc. Comme observateur scrupuleux et poétique en même temps de l’histoire et des mouvemens du cœur humain, le Poussin est un peintre unique !…


Vendredi 29 avril.

Au conseil de bonne heure, pour la sotte affaire du bois de Boulogne. Le préfet me demande de faire tout de suite le rapport. Je l’ai lu à la fin de la séance et il a été adopté.

Revenu à l’Exposition avec E. Lamy pour informations ; de là chez Decamps, que j’ai trouvé dans un atelier bouleversé ; il m’a montré des choses admirables. Il y avait là la répétition plus grande de son Job pour le ministère, aussi beau que le petit, et, je crois, plus avancé. Il m’a fait voir un Samaritain dans l’auberge : le malade est porté pour être introduit dans l’hôtellerie ; on emmène sur le devant les chevaux qui ont porté le malade et son bienfaiteur ; les gens de la maison mettent la tête à la fenêtre, enfin tous les détails caractéristiques. Effet de soleil toujours le même et toujours séduisant. Cette force constante d’impression dans la monotonie est un des grands privilèges du talent.


Autre tableau ébauché dans ce genre : Intérieur d’un potier en Italie.

Sur le chevalet, une grande Fuite de Loth, que je n’approuve pas autant. Puis, petite esquisse charmante de l’Agonie du Christ, millier de figures, effet charmant.

Mais ce qui passe tout, pour moi, aujourd’hui, c’est son David en déroute fuyant devant Saül et rencontré par un partisan de ce dernier égaré dans les solitudes et qui, de l’autre côté d’un torrent,