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qui remonte de la route pour rejoindre celle qui va au chêne prieur : j’ai livré bataille aux ronces, aux arbrisseaux qui se croisaient devant mes pas, et je n’ai pas réussi néanmoins à atteindre mon but. Je suis retourné par un sentier plus facile, mais très couvert, à travers la partie de bois qui dépend, je crois, de la maison du marquis.

En retournant, je me suis assis le long des murs de son enclos, mais sur la partie qui mène à l’entrée de la forêt, et j’ai fait un croquis d’un chêne, pour me rendre compte de la distribution des branches.

Je me suis mis à lire le journal en rentrant. La littérature a eu le dessous, mais, au demeurant, je ne m’ennuie pas, c’est l’essentiel.

Vers quatre heures, au lieu de sortir, j’ai fait le vitrier, et j’ai peint une vieille glace.

Le soir, promenade avec Soizy. Descendu par une ruelle qui m’a conduit dans des endroits très solitaires et assez attrayans ; j’ai fait amitié à un chat angora charmant qui me suivait et qui s’est laissé caresser.


Jeudi 12 mai.

J’ai beaucoup travaillé au damnable article. Débrouillé comme j’ai pu, au crayon, tout ce que j’ai à dire, sur de grandes feuilles de papier. Je serais tenté de croire que la méthode de Pascal, — d’écrire chaque pensée détachée sur un petit morceau de papier, — n’est pas trop mauvaise, surtout dans une position où je n’ai pas le loisir d’apprendre le métier d’écrivain. On aurait toutes ses divisions et subdivisions sous les yeux comme un jeu de cartes, et l’on serait frappé plus facilement de l’ordre à y mettre. L’ordre et l’arrangement physique se mêlent plus qu’on ne croit des choses de l’esprit. Telle situation du corps sera plus favorable à la pensée : Bacon composait, à ce qu’on dit, en sautant à cloche-pied ; à Mozart, à Rossini, à Voltaire, les idées leur venaient dans leur lit ; à Rousseau, je crois, en se promenant dans la campagne.

Habituellement, promenade avant dîner, après avoir secoué les paperasses et l’encre, et aussi après le dîner, pour chasser le sommeil. Mais comme je dîne toujours entre cinq heures et cinq heures et demie, la soirée ne peut aller sans de grandes difficultés, jusqu’à neuf heures.


Vendredi 13 mai.

J’ai essayé de l’article ; et après avoir écrit quelques lignes que je veux mettre en tête de la première partie ; car j’ai envie de le