Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 116.djvu/954

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’instruction publique. Un sénateur, fort inconnu jusqu’ici, M. Guérin, avocat ou avoué de son arrondissement de Provence, n’a fait aucune façon pour entrer comme garde des sceaux à la chancellerie. On y a joint un ancien contrôleur des contributions, député radical et un peu socialiste, M. Terrier, qui ne demandait pas mieux que de « se dévouer pour le pays, » comme dit une récente comédie de nos mœurs du jour. Quelques-uns des anciens ministres sont restés dans le nouveau conseil, et tout cela, — plus ou moins mêlé ensemble, c’est le ministère auquel M. Ch. Dupuy a la fortune de donner son nom. Voilà qui est fait jusqu’à la prochaine occasion ! On est sorti de la crise. Il reste seulement une question qui pourrait peut-être sembler assez naïve, Qu’est-ce que ce ministère Dupuy-Peytral-Poincarê-Terrier ? À quoi répond-il ? Que peut-il bien représenter dans une situation réellement assez compliquée, avec des procès qui ne sont pas finis, qui pèsent encore sur le monde parlementaire, un budget qui n’existe pas, un conflit ouvert entre les deux chambres, — et des élections en perspective ? D’où tire-t-il son autorité et son crédit pour faire face à tant de problèmes qui restent en suspens ? C’est bien évident, il ne répond à rien, il ne représente rien. Il a été choisi un peu à l’aventure, rassemblé comme on l’a pu, composé d’hommes que rien ne désignait particulièrement au pouvoir. Il eût été sans doute un peu plus modéré avec M. Méline, il a des apparences un peu plus radicales avec M. Dupuy, accompagné de M. Peytral ou de M. Terrier.

Au fond, c’est la stérilité dans la confusion, et, ce qu’il y a de plus clair, c’est que ce ministère, tel qu’il apparaît, est le signe le plus caractéristique de la fin d’une situation, du déclin d’une politique, de l’épuisement de la « concentration républicaine » et du personnel de gouvernement qui s’est mis au service de cette étrange combinaison. Il n’a eu d’autre mérite que de clore provisoirement une crise importune. Le nouveau président du conseil n’est peut-être pas sans avoir lui-même le sentiment de sa position, de ce qui lui manque, et la déclaration qu’il est allé porter pour son avènement aux chambres, cette déclaration, dans son insignifiance et son incohérence, est bien l’image de l’état présent des choses. Elle est pleine de bonne volonté et de toute sorte d’ingénuités, sans parler des obscurités, cette brave déclaration. Elle convient que les temps sont difficiles, — tout en témoignant une confiance bien sentie dans la « croissance vigoureuse » de la république. Elle rappelle avec une honnête candeur, pour ceux qui l’auraient oublié depuis quelque temps, que « l’aisance et la fortune ne s’acquièrent que par le travail et ne se conservent que par la correction des mœurs et la dignité de la vie ! » Elle parle sans broncher de la « pénétration réciproque, » de « l’identification définitive » de la république et de la France, de la « concordance et des aspirations démocratiques et des institutions républicaines. » Elle convie aussi, dans