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de la vie, Lampriscos, aussi vrai qu’il te faut l’écorcher de la bonne manière, jusqu’à ce que sa méchante âme lui vienne au bord des lèvres. Il m’a mis, hélas ! ma maison à sac, en jouant avec des pièces de cuivre ; car les coquilles ne lui suffisent plus, Lampriscos, et le voilà en plus belle passe. Où se trouve la porte du grammatiste, où l’amère échéance du trentième jour me réclame le prix de l’école, quand même je pleure comme sur Nannacos[1], il aurait de la peine à le dire ; mais le rendez-vous de jeu des drôles et des esclaves fugitifs, il le connaît bien et l’indiquerait à d’autres. La malheureuse tablette, que je me fatigue, chaque mois, à enduire de cire, elle gît abandonnée devant son grabat, près du pied voisin du mur, à moins que, un jour, la regardant comme s’il voyait Hadès, au lieu d’y tracer quelque chose de bien, il ne la racle tout entière ; mais ses dés, il les garde dans ses sacs et dans ses filets, plus reluisans que notre fiole qui nous sert pour tout. Il ne sait même pas reconnaître la syllabe a, à moins qu’on ne le lui crie cinq fois aux oreilles. Avant-hier son père lui dictait lettre par lettre Maron : de Maron il a fait Simon (nom d’un coup de dés), le brave enfant ! et je me suis dit que j’étais bien sotte de ne pas lui apprendre à garder les ânes, au lieu de lui faire étudier les lettres, dans l’espoir d’avoir un soutien pour ma vieillesse. Lui demandons-nous de réciter quelque chose, comme on demande aux enfans, ou moi, ou son père, un vieillard malade des oreilles et des yeux, c’est comme si nous filtrions d’un vase percé. « Apollon chasseur ! lui dis-je, ta grand’mère elle-même te dira tout ce que tu voudras, bien qu’elle soit illettrée, et aussi le premier Phrygien venu. » Si nous nous avisons de grogner un peu plus haut, ou bien pendant trois jours il ne connaît plus le seuil de la maison et s’en va tondre sa grand’mère, une vieille femme sans ressources, ou bien, juché sur le toit, il reste là assis, les jambes pendantes à regarder en bas, comme un singe. Et moi, malheureuse, quelle bile penses-tu que je me fasse à le voir ainsi ? Et ce n’est pas là le plus grave ; mais toute la toiture est ployée comme de l’osier et en morceaux, et, à l’approche de l’hiver, je paie en pleurant trois demi-oboles pour chaque tuile ; car il n’y a qu’une voix dans toute la maison : « C’est l’ouvrage de Kottalos, fils de Métrotimé… »


Le quatrième mime met en scène deux femmes du commun apportant une offrande à Esculape dans un temple que le dieu avait à Cos, pour le remercier d’une guérison. On voit comment les choses se passaient en pareil cas. Elles arrivent au petit jour ; en entrant, l’une d’elles, celle que la guérison intéresse le plus directement et qui offre le sacrifice, adresse un salut à Esculape et aux divinités avec qui il est en rapport, et expose l’objet de leur visite :

  1. Locution proverbiale pour dire : comme dans une lamentation funèbre. Nannacos était, disait-on, un ancien roi de Phrygie.