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besoin, punir toute une population très confuse et fort peu disciplinée. Il marie ses nationaux en qualité d’officier d’état civil, et se transforme en juge de paix pour régler leurs litiges. Sa maison est un lieu d’asile pour tous les fugitifs. Les capitulations lui permettent de faire arrêter par ses gendarmes, en territoire turc, tous les délinquans que réclame la justice française. Il est parfois obligé, pour éviter les scandales, de ne pas trop scruter le passé de ceux qui viennent solliciter sa protection. Il faut avouer que notre pays n’exporte pas toujours ses citoyens les plus vertueux. Le comte de Pontchartrain, secrétaire d’État, adressait déjà, en 1700, les instructions suivantes à la chambre de commerce de Marseille : « La plupart des François établis au Caire ont une conduite scandaleuse et pleine de toutes sortes de débauches. Le Roy a prescrit au consul de renvoyer en France toutes les personnes qui se conduiront mal, ayant soin de remettre au capitaine du navire qui les ramènera un procès-verbal des faits constatés à leur charge. Les députés du commerce devront s’entendre avec le consul pour faire cesser les désordres dont ils sont en quelque sorte responsables, parce qu’ils ne se montrent pas assez scrupuleux dans le choix des émigrans. » Les agens du roi reçurent même une ordonnance ainsi conçue : « De par le Roy, Sa Majesté ayant esté informée qu’un grand nombre de marchands françois, qui ont commis plusieurs malversations dans le royaume, ou fait des banqueroutes considérables, se retirent dans les pays estrangers et particulièrement dans les Échelles du Levant, où non-seulement ils font des commerces illicites, mais même se rendent méprisables aux Turcs, dans les commerces qu’ils font avec eux, par leur mauvaise foi, ce qui pourroit, dans la suite, causer un préjudice notable aux marchands résidant dans lesdites Échelles, et à ceux qui y vont trafiquer ; — à quoy étant nécessaire de pourvoir, Sa Majesté a fait très expresses inhibitions et défenses aux marchands françois qui voudront passer en Levant pour s’y établir, de ne s’embarquer pour cet effet qu’après avoir été examinés et reçus par la chambre de commerce de Marseille, etc. »

Hélas ! toutes les ordonnances n’y feront rien. J’ai connu pour ma part, dans le Levant, un Corse, condamné par contumace, qui enseignait le français à domicile, un officier cassé qui donnait des leçons d’histoire, et un notaire failli qui était professeur de morale dans un lycée de jeunes filles.

Dans la très nombreuse clientèle du consul-général de Smyrne, il y a toute une catégorie de personnes où l’on ne risque pas, heureusement, de trouver de pareils compagnons, mais dont les affaires très compliquées sont, comme on dit dans le langage