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le dogme de la concentration républicaine, ce fondement de la politique des quinze dernières années, une fois de plus démenti, tandis que dans la chambre se formaient deux camps nouveaux : celui de la légalité, composé pour les deux tiers de gauche modérée et pour un tiers de droite raisonnable, et celui de l’agitation violente comprenant un quart de réactionnaires et trois quarts de radicaux. Si bien que M. Dupuy était conspué le lendemain, non-seulement par ces démolisseurs de droite qui rappelaient que « le ministère c’est l’ennemi, » et qu’une « opposition sérieuse a le devoir de le jeter bas, chaque fois qu’elle en trouve l’occasion, » mais aussi par les intransigeans de gauche, qui annonçaient gravement « qu’un ministère à poigne était né, » et que « la France était mûre pour brumaire. » Quant à M. Baudin, il doit être présentement enchanté ; il avait demandé à grands cris « la lumière, » le ministère va la lui fournir sous la forme de débats correctionnels, puisque la chambre est actuellement saisie par le parquet d’une demande en autorisation de poursuites contre le député du Cher.

Jusqu’à présent, en fait de détaxes, de réductions ou d’abolitions d’impôts qui nous étaient promises l’année dernière, nous avons eu seulement par le budget de 1893 deux impôts nouveaux, sur les opérations de Bourse et les vélocipèdes, et l’augmentation de l’impôt ancien des patentes. C’est, il faut l’avouer, un mince résultat. D’autant que le budget de 1894, qui doit être déposé aux chambres du 15 au 20 de ce mois, ne se présente pas sous de meilleurs auspices. Les dépenses de cet exercice apparaissent au chiffre de 3 milliards 496 millions, tandis que les recettes n’atteignent que 3 milliards 365 millions. Évidemment cette insuffisance de 131 millions ne provient pas tout entière de dépenses nouvelles ; il y a notamment 75 millions représentant, pour les années passées, la garantie d’intérêt des lignes en construction, que les compagnies de chemin de fer avaient fait figurer, jusqu’à ce jour, au compte de premier établissement.

Ce système avait pour effet de soulager le présent au préjudice de l’avenir, tandis que le système contraire impute aux années courantes des déficits qui n’ont qu’un caractère transitoire. Aussi le gouvernement propose-t-il, avec assez de raison, d’imputer ces 75 millions sur la dette flottante. Il faut y prendre garde cependant : la dette flottante a bon dos ; elle porte assez gaillardement quelques centaines de millions, elle va même jusqu’à 8 ou 900 ; après quoi elle est épuisée, et il faut la soulager en consolidant, par un emprunt définitif, ce que l’on n’espère plus pouvoir rembourser.

Cette chambre finit mal en matière financière ; elle avait reçu de la précédente une situation meilleure que celle qu’elle va laisser à la chambre qui la suivra. Si elle a accompli quelques réformes utiles, telles qu’un