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publique et lui que son caractère, ses amitiés, sa vie tout entière nous montrent comme un apôtre de la tolérance, il prêche la sévérité et le maintien des mesures rigoureuses prises contre les arminiens. À son avis, tout fait un devoir au prince de ne pas revenir sur la ligne de conduite adoptée à la suite du synode. La prospérité actuelle du pays n’est qu’apparente et en face d’ennemis qui ne désarment pas, il faut raffermir la situation et rassurer les esprits. Ces gens, ajoute-t-il, « ne demandent le doigt que pour empoigner la main, » et si parmi eux il en est de téméraires, d’autres « plus avisés ont appris que les approches couvertes sont les plus sûres et qu’en lieu de beaucoup de résistance, la mine vaut bien la tranchée. » Posant nettement la question de conscience, tout ignorant qu’il soit de ce que sont au fond les convictions religieuses du prince, il pense que, sans s’être engagé, celui-ci est « content de croire simplement et sobrement à salut, de s’appliquer les enseignemens et exhortations à foy et repentance, sans faire distinction par qui elles lui sont offertes, pourvu que toutes se fondent en l’autorité de la parole du Dieu éternel. » Mais il ne s’agit pas, à dire vrai, des convictions personnelles du prince ; il y va du salut de l’État, de sa sécurité, des alliances qu’il faut se ménager au dehors, surtout celle de l’Angleterre, « naturellement bigote, et pour laquelle il n’y a matière si capable de l’ébranler que le fait de la religion. » Il est donc de l’intérêt du stathouder d’inspirer, à ses débuts, une telle confiance aux gens de bien que « les mauvais eux-mêmes, s’apercevant qu’il n’y a plus de finesse de mise que celle d’être homme de bien, voudront devenir tels, malgré qu’ils en ayent. » Quant à lui, il est certain que son maître ne faillira ni à l’honneur, ni aux devoirs de sa race. Quelles que soient ses croyances particulières, il verra à les accommoder avec les vrais intérêts de son peuple, « en faisant veoir au monde comme il s’est dépouillé entièrement de toute partialité. »

Malgré la sagesse et l’opportunité de ces idées, Huygens, après y avoir bien pensé, non-seulement renonça à les publier, mais le mémoire resta inachevé et par conséquent ne fut pas remis à son adresse. Ce n’est point par une ingérence qui, toute patriotique qu’elle fût, pouvait paraître déplacée que le secrétaire du prince Frédéric-Henri devait, avec le temps, prendre sur l’esprit de son maître une influence légitime. Cette influence, il la devait à son dévoûment, à sa sûreté, à ce zèle que rien ne rebutait et qui jusqu’à la fin de sa carrière ne se démentit pas un seul instant. Son intelligence et sa ponctualité dans l’accomplissement de toutes les missions dont il était chargé l’avaient rendu indispensable. Cependant, vers les derniers mois de la vie de Frédéric-Henri, cette confiance qu’il méritait si bien lui était tout à coup retirée. Un simple