Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/609

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Wagner se sont un peu trop gratuitement attribué l’invention et dont les anciens eux-mêmes, ainsi que les maîtres florentins primitifs, avaient déjà proclamé la nécessité. Tout en partageant ses idées à cet égard, Constantin n’avait qu’une médiocre estime pour ses œuvres. Bann ayant, en 1640, envoyé ses écrits ainsi qu’une romance composée par lui à l’appui de ses théories au P. Mersenne, celui-ci l’avait mis aux prises avec Boisset, l’intendant de la musique de Louis XIII, qui composait aussi, de son côté, un chant sur les vers choisis par Bann. La pièce de Boisset ayant paru supérieure à Mersenne, qui avait expliqué dans une longue et pédante dissertation les motifs de sa préférence, Bann ripostait en soutenant assez vertement son œuvre. Dans l’interminable discussion qui s’était engagée entre eux à ce propos, il est piquant de voir le religieux et le chanoine épiloguer à outrance, avec une gravité tout à fait comique, sur le plus ou moins de passion que les deux concurrens ont montrée pour accompagner ces fades paroles : « Me veux-tu voir mourir, trop aimable inhumaine ! » Rabroué par Mersenne, Bann s’était retourné vers Huygens, et, pour le gagner à sa cause, il lui dédiait en 1642 un recueil de chants intitulé Zang-Bloemzel.

Si précieuses que fussent ces ressources, elles ne suffisaient pas à contenter un esprit curieux et avide de nouveautés. Aussi, tout en défendant ses compatriotes d’appréciations peu flatteuses au point de vue musical et qui tendaient à les assimiler « aux Moscovites pour la brutalité et la barbarie, » Huygens est forcé d’avouer que « c’est en ces matières le plus grand de ses déplaisirs de ne trouver à qui parler. » Si l’on veut bien lui reconnaître « quelque entente du métier… C’est comme à un roi borgne au pays des aveugles. » C’est donc du dehors, de la France surtout, qu’il attend ses meilleures jouissances. Il y a des correspondans nombreux qui le tiennent au courant de tout ce qui peut l’intéresser. Comme il n’a pu trouver en Hollande un éditeur pour sa Pathodia, il la fait imprimer à Paris chez Robert Ballart, et c’est Thomas Gobert, « le maistre de chapelle du Roy très chrestien, » qui se charge d’en surveiller pour lui l’impression et d’en corriger les épreuves. Dans les lettres qu’ils échangent entre eux à ce propos, Gobert témoigne à Huygens l’admiration qu’il a pour ses « psaumes, pleins de belles chordes et de beaux chants… production non de ses divertissemens, comme il le dit, mais plustost d’une méditation sérieuse. » Il l’informe des nouveautés musicales de chaque saison, notamment de la représentation de l’Orfeo e Euridice, de Luigi Rossi, qui doit avoir lieu au Palais-Royal, le 5 mars 1647, et pour laquelle le cardinal Mazarin a fait venir