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plus, sous ce rapport, les progrès qu’on pouvait attendre de lui. Les jeunes femmes, blanches et fondantes, qu’il évoque sur des gazons bleuâtres, en des futaies vaporeuses, Au pays des fleurs, ne montrent pas toutes, dans leurs attitudes et dans leurs mouvemens, cette vraisemblance plastique qui semble devoir être au moins l’attrait obligatoire des plus fugitives apparitions. Le jeune couple qui rêve, dans la Pastorale antique de M. Bunny, un Australien, et qu’on y voit assis sur une branche surplombante au bord de l’eau, n’est peut-être pas d’une correction exemplaire, au point de vue des formes, mais son attitude est si naïve, et il se dégage de l’ensemble de la composition, tout imprégnée de poésie anglaise, un sentiment de quiétude si pénétrante qu’on y peut oublier les incertitudes de l’exécution.

On a quelque plaisir à trouver des membres mieux ajustés, un équilibre plus sûr, des carnations plus palpables dans les Artémis de M. Wencker et de M. Axilelte. La déesse de M. Wencker est de grandeur naturelle, vue de profil, dans un bois, la main droite appuyée sur un talus, en train de remettre, de l’autre, sa sandale. Le mouvement n’est pas nouveau, ni l’accord du paysage et de la figure parfaitement établi, mais l’étude est bonne et poussée à point, au moins dans les parties supérieures. Celle de M. Axilette, de plus petite stature, est représentée debout, sur la pente d’une colline, accourant, de face, son arc à la main, dans un mouvement qui rappelle un peu celui des Dianes de M. Falguière. La figure est vive, souple, nerveuse, finement modelée dans une lumière de crépuscule, calme et tiède, qui baigne mollement son corps, ainsi que celui de ses compagnes plus éloignées, sans anéantir pourtant la fermeté des formes. C’est une œuvre agréable, dans un style assez français, comme décor et comme plastique.

Les huit jeunes filles de M. Bouguereau, drapées à l’antique, qui entourent, en d’aimables attitudes, da, ns l’Offrande à l’Amour, le petit dieu debout sur son piédestal, sont toujours les jolies personnes que nous connaissons et que l’artiste groupe toujours avec la même aisance dans leurs chastes nudités. Les Amazones désespérées que M. Luminais chasse devant leurs vainqueurs appartiennent toujours à cette race un peu dure de femmes blanches et robustes qui lui a déjà fourni ses Gauloises. Chaque peintre se fait ainsi un type de beauté féminine auquel il reste fidèle. Tout ce que nous pouvons lui demander, c’est que, si son goût ne change pas, sa peinture garde toujours aussi ses qualités coutumières. On regardera certainement la Dormeuse d’Henner, éclairant l’ombre environnante des clartés tendrement nuancées de ses chairs ivoirines, avec le même plaisir que toutes ses aînées, puisqu’elle est encore aussi belle ; on regardera volontiers aussi la femme à mi-corps,