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non douteuse et d’autant plus nécessaire que la proposition rencontra, au premier moment, une opposition assez vive de la part de l’impératrice mère qui, avec la presque totalité de la cour et même de la famille impériale, se montra fort peu satisfaite de la perspective d’une telle alliance. La princesse Catherine, sœur aînée de la grande-duchesse Anne, et très avant dans l’intimité de l’empereur, se prononça comme lui en faveur de la proposition ; elle fut définitivement agréée, mais après de nombreux pourparlers, avec la demande de quelques délais, avec la restriction que la princesse Anne serait mariée suivant le rite grec et suivant le rite romain, et qu’elle serait libre de demeurer dans la religion grecque. Elle devait être à cet effet accompagnée de sa chapelle, ou au moins d’un prêtre de son culte. Que la grande-duchesse dût ensuite embrasser la religion de son époux, peu importait à l’empereur Alexandre, mais il croyait devoir à l’attachement du peuple russe pour le culte grec de ne pas mettre sa sœur dans l’obligation d’en abandonner immédiatement les pratiques. On ne pouvait guère supposer que cette précaution de sa part dût entraîner aucune difficulté sérieuse, mais cependant les paroles qu’il fallut échanger à ce sujet, et les démarches nécessaires pour vaincre l’opposition de l’impératrice mère entraînèrent, à Saint-Pétersbourg, une assez grande perte de temps.

La réponse n’arriva que le 5 février par une dépêche de M. de Caulaincourt en date du 21 janvier. Or, il s’était passé beaucoup de choses dans cet intervalle, de choses qui avaient complètement changé la face de l’affaire. Suivant en cela les conseils de M. de Metternich, qui avait été avant la dernière guerre ambassadeur d’Autriche en France, le cabinet de Vienne, laissant de côté les vains ressentimens, les imprudentes et malhabiles susceptibilités, avait reconnu qu’une alliance entre son plus redoutable ennemi et la famille impériale russe serait le plus grand des malheurs pour la maison d’Autriche ; que ce malheur pourrait aller jusqu’à consommer sa ruine, et que le seul moyen de le conjurer était d’offrir à Napoléon la main d’une archiduchesse. La détermination en fut aussitôt prise, mais comment arriver à produire cette offre ! Comment la faire accepter ? Le temps pressait et tous les momens étaient précieux, car on savait que les négociations étaient déjà commencées à Saint-Pétersbourg.

Quelques insinuations furent d’abord faites à Munich à M. de Narbonne, aide-de-camp de l’empereur ; il avait été laissé en arrière pour observer de plus près tout ce qui se passait en Autriche, après la retraite de l’armée française. Les choses ne pouvaient aller assez vite par cette voie. Voici comment l’affaire se