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à s’efforcer « de découvrir si la disposition des esprits, en Angleterre, permettait de croire à la possibilité de négocier la paix. » Il partit donc, mais n’alla pas au-delà d’un des ports de la Hollande, où il rencontra M. de Labouchère revenant de Londres. Il ne tarda pas à découvrir le peu de succès des démarches de ce négociateur, dont il obtint en partie le secret en lui confiant le sien, et il prit fort sagement la résolution de revenir à Amsterdam.

M. Fouché avait alors un autre agent à Londres. C’était un colonel anglais, prisonnier de guerre, et qu’il avait relâché sous condition de le servir. M. Ouvrard ne parle pas de cet agent. Il dit seulement qu’il avait trouvé moyen d’établir, d’Amsterdam, une correspondance avec le marquis de Wellesley, et qu’elle avait pour intermédiaire, à Londres, la maison de banque de M. Francis Baring. Les documens qui lui arrivaient par cette correspondance étaient, dit-il encore, envoyés aussitôt à M. Fouché, et, s’il faut l’en croire, on pouvait, d’après ces documens, arriver à une base de négociation qui n’aurait pas été fort différente de l’uti possidetis. Il est probable que M. Fouché a partagé cette confiance, car il fit alors proposer à M. de Labouchère de retourner à Londres. M. de Labouchère refusa, convaincu qu’il n’y avait rien à faire pour le moment. L’empereur alors arrivait en Belgique, et c’est là qu’il eut, pour la première fois, révélation des démarches faites à son insu.

Le roi de Hollande, que l’insuccès des démarches de M. de Labouchère n’avait pas découragé, profita du passage de son frère à Anvers, et se hasarda à lui confier ce qu’il avait entrepris, ce qui se poursuivait encore, et mit tout en œuvre pour le convaincre que, cette porte étant ouverte, il était de son intérêt de ne pas la laisser se refermer ; qu’il fallait, au contraire, en profiter pour établir définitivement une négociation dont on pouvait attendre de fort bons résultats.

Nul doute que le roi Louis n’eût agi fort légèrement et qu’il n’eût étrangement méconnu le caractère de Napoléon, dont il devait avoir cependant une si grande habitude. Quoi qu’il en soit, la colère de l’empereur fut portée au dernier degré aussitôt qu’il sut qu’on avait eu l’audace, sans prendre ses ordres, de s’immiscer dans une affaire de si haute importance, et qu’on n’avait pas craint de l’exposer à voir repousser avec mépris des avances auxquelles on ne croirait jamais qu’il eût été complètement étranger. Pendant tout le reste de son voyage, il fut occupé de cette pénible découverte et du soin de réunir tout ce qui pouvait y jeter de nouvelles lumières. Arrivé à Saint-Cloud, il ordonna à M. Fouché de lui remettre tous les documens transmis par M. Ouvrard, puis les