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qu’il n’en reste plus un seul bloc. Le chef arabe Zairi construisit Alger, la couronnant d’une citadelle du haut de laquelle, comme de l’aire d’un vautour, les deys futurs devaient surveiller la mer et les corsaires chargés de leur apporter des riches cargaisons, de peupler leurs sérails de femmes blanches. Edriss, l’un des descendans directs d’Ali, fuyant les meurtriers de sa race, fonda Fez qui, par la suite, devint la plus célèbre ville du Moghreb, grâce à ses universités, à ses tombeaux vénérés, et à la culture intellectuelle de ses habitans. Alfin bâtit la ville de Maroc ; elle eut, en 1670, l’honneur de donner son nom à l’empire, en dépit des compétitions jalouses de Fez, de Tafilete et de Suse. Et, pendant que Tunis, Alger, Tripoli, seront gouvernés par des beys et des deys dépendant de la Sublime-Porte, le Maroc aura des empereurs.

Quant aux Maures, dans un temps qu’il serait téméraire de fixer, tellement il semble incertain, ils seraient venus d’Asie jusqu’au nord de l’Afrique. Campés sur la lisière du Sahara et le versant occidental de l’Atlas, ils s’inquiétèrent fort peu, paraît-il, des guerres qui se succédaient entre Rome et Carthage. Les populations autochtones de la Mauritanie-Tingitane se cachaient dans les grottes de l’Atlas aussitôt que les Vandales ou autres hordes errantes venaient échouer sur leur littoral. C’est encore au VIIIe siècle que des Maures guerriers, abandonnant l’Afrique, vinrent envahir le sud de l’Espagne, et, pendant qu’un voile épais d’ignorance couvrait l’Europe, ils firent de Grenade et de Cordoue des centres d’une lumière d’autant plus éclatante qu’autour de ces villes régnaient d’épaisses ténèbres. Leur architecture en Andalousie sera toujours ce qu’il y aura au monde de plus idéalement oriental ; en poésie, en géographie, en astronomie, en médecine, ces Maures, avec lesquels se confondaient des Arabes d’un rare savoir, excellèrent. Il semble même que la noblesse de leurs sentimens, inspiratrice de Lope de Vega, de Corneille et d’autres illustres tragiques, se soit conservée en ce qui survit dans les Castilles de la grandesse d’Espagne.

D’autres Maures abandonnèrent à leur tour les frontières du Sahara pour venir se joindre aux Arabes du littoral africain ; ils les dominèrent, et, tout en s’assimilant à eux, ils fondèrent des dynasties jadis célèbres : celles des Almovides, des Almotrudes et des Mérinides, dynasties glorieuses et sous lesquelles on vit le croissant triompher des rives de l’Ebre au Soudan, et des rives du Niger jusqu’aux Balkans. On leur reproche de n’avoir pas eu ce culte des arts et cet amour des sciences que leurs ancêtres portèrent si haut en Andalousie. Et pourtant, des républiques italiennes