Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/924

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pas en être molestée. Le relevé de ces redevances paraîtrait incroyable s’il n’était emprunté à des sources officielles. En y jetant les yeux, on reste interdit devant un abaissement dont il était impossible que n’exultassent pas des barbares.

La Hollande, nation maritime par excellence, afin d’assurer à ses bateaux marchands le libre passage du détroit, consentit en 1732 à payer au Maroc un tribut annuel de 75,000 francs. Un sultan, l’un des meilleurs, Sidi Mohammed, apprenant que cette somme était inférieure à celle que recevaient les Algériens, déclara aussitôt la guerre aux Hollandais. La paix se fit en 1778, et les tributaires en profitèrent pour importer dans les ports barbaresques des toiles communes.

En 1815, le roi Guillaume Ier, devenu roi des Pays-Bas, déchira la convention, la trouvant par trop humiliante. En 1755, la cour de Danemark, conseillée par un ambassadeur juif que le Maroc lui envoya, entama des négociations pour un traité de commerce et de libre navigation. Elle consentit à payer une somme annuelle de 25,000 douros. Trompés par l’ambassadeur en question, les Danois se crurent autorisés à fonder des comptoirs sur les côtes marocaines de l’Océan-Atlantique. Dès que le sultan apprit que ses alliés s’y installaient, il fit jeter en prison le consul danois et sa suite, les déclarant de bonne prise et, de plus, ses esclaves. La fourberie du juif entremetteur ayant été découverte, la paix se fit. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que le Danemark n’avait aucun intérêt capital à traiter. La Suède s’exécuta en 1763 ; elle offrit de payer 20,000 piastres annuellement, mais dans l’espoir qu’elle s’en acquitterait en fournissant des mâtures et des bois de construction dont elle est riche et pour une valeur égale à cette somme. Le sultan s’y refusa et exigea des espèces sonnantes et trébuchantes, en y ajoutant l’humiliante condition que le versement des fonds serait fait en public et en plein jour. Gustave III rompit le pacte. La république de Venise se soumit à un tribut annuel de 100,000 francs. La Toscane, Gênes, le Portugal et les États-Unis, sans être tributaires, firent des dons, pour que leurs marines ne fussent pas attaquées par les corsaires. Deux bâtimens toscans ayant été saisis par les forbans, le grand-duc Léopold envoya devant Tanger une forte escadre qui, les réclamant impérieusement, réussit à les reprendre. L’Espagne ne consentit jamais à payer de tribut ; la grandeur de son passé et sa vieille inimitié à l’égard des Maures s’y opposaient. Elle consentit pourtant à signer un traité de bonne amitié avec le Moghreb en 1767. Pour être agréable à son allié, le sultan empêcha que de Tanger il fût envoyé des vivres à Gibraltar, les Espagnols ayant l’intention de reprendre