Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/951

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin.

Il y avait naguère un prince chevaleresque, qui, par la grandiloquence de son style, par la noblesse empoignante de ses phrases, eût été un admirable entraîneur de foules si ses appels au pays n’avaient presque toujours contenu quelques-uns de ces mots malheureux qui refroidissent les sympathies et paralysent les bonnes volontés. De sorte que l’on disait de ce prétendant qu’il savait mieux que personne parler au peuple, mais qu’il ignorait ce qu’il fallait lui dire. Ge n’est pas le reproche que l’on pourra adresser à M. Constans ; le discours prononcé par lui à Toulouse la semaine dernière, — chaque quinzaine a, depuis quelque temps, son discours de Toulouse, — n’a rien de l’enflure et de l’apprêt qu’ont parfois ces sortes de morceaux ; mais il a précisément ce mérite de dire clairement et au bon moment ce qu’il fallait, de tenir le langage que voulait entendre la plèbe intelligente, travailleuse, libérale et pacifique que nous sommes.

C’est pourquoi il a eu, en France et à l’étranger, un succès que depuis longtemps aucune harangue n’avait atteint ; il a été sacré programme. Il va servir d’évangile aux candidats républicains modérés, qui, dans quelques mois, — quelques semaines peut-être, puisque l’on parlait de fixer au 26 août la date des élections, — vont briguer les suffrages. Évangile, « bonne nouvelle, » en vérité, serait pour la France celle de l’arrivée au pouvoir de la « majorité de gouvernement, » dont le discours de M. Constans a tracé les frontières politiques. « La période de la conquête est finie ! a dit l’ancien ministre de l’intérieur, celle de l’organisation commence… » La république n’est plus discutée, ses adversaires ont déposé les armes. Ils avouent eux-mêmes, quand ils se présentent devant les électeurs, qu’ils ne veulent pas renverser le gouvernement établi, mais simplement l’améliorer. On ne crie plus : « Vive le roi et vive l’empereur ! » que dans les intervalles des périodes électorales et dans les locaux clos et couverts. « La vic-