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la complète responsabilité et montra à cet égard un noble caractère. Sa défense consista dans ce peu de mots : « Celui qui s’est constitué le défenseur de son pays n’a pas besoin de défense : il triomphe ou il meurt. »

Lahorie répéta devant la commission ce qu’il avait dit chez le duc de Rovigo. Il insista beaucoup sur la générosité de sa conduite à l’égard du ministre de la police. « Au reste, ajouta-t-il, je sais le sort qui m’attend ; ce n’est pas pour sauver ma tête que je parle, mais pour établir la vérité et défendre ma mémoire des odieuses inculpations dont on pourrait vouloir l’entacher. » La défense de Lahorie est rapportée en entier, avec son interrogatoire, dans la relation de M. Lafon ; elle mérite d’être lue avec soin, ainsi que celle des autres accusés.

Guidal et Boccheiampe établirent aussi à quel point ils avaient été trompés par Malet et s’efforcèrent de montrer comment leur erreur était excusable. La bonne foi de Boccheiampe avait été si complète, qu’après son expédition au ministère de la police avec Lahorie, il n’avait pas craint de retourner à la Force pour porter à un ami l’assurance des soins qu’il allait prendre pour obtenir son élargissement.

Le chef de la cohorte, le colonel d’un régiment de Paris et tous les officiers sous leurs ordres, s’excusèrent sur le trouble où les avait jetés la nouvelle de la mort de l’empereur, sur l’impossibilité où ils s’étaient trouvés, dans leur douleur, de rien examiner, de rien approfondir. Comment leur aurait-il été possible de soupçonner qu’on osât abuser d’eux à ce point ? Ces deux malheureux étaient l’un et l’autre d’une très faible intelligence. Les officiers sous leurs ordres se retranchaient derrière l’obéissance qu’ils avaient cru devoir à leurs chefs. Il est certain qu’entre eux tous, il n’y en avait pas un seul qu’on pût déclarer coupable d’intention ; mais des actes de cette nature, commis par la force armée, sont d’une telle gravité, peuvent avoir de si terribles conséquences, que, si jamais la sévérité a été excusable, commandée même, c’est dans une telle circonstance. Admettre que des chefs de corps, des officiers, pourraient suivre impunément un général autre que celui préposé à leur commandement, ce serait exposer les États à tous les bouleversemens que voudrait tenter un factieux quelconque, pourvu qu’il fût revêtu d’un uniforme et paré des épaulettes dégénérai. Cependant je crois qu’on aurait pu mettre moins de personnes en jugement, surtout en sacrifier un plus petit nombre. Le ministre de la guerre fut inflexible dans la rigueur des poursuites. Quoi qu’on puisse penser de l’étendue qui leur fut donnée, le jugement de la commission fut très sévère sans qu’on puisse le taxer d’injustice.