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AUTOUR D’UNE TIARE

I.
LE FANTOME DU PAPE BENOIT IX. — LA MESSE DE MINUIT DE GREGOIRE VII. — VITA NUOVA.


I. — LE FANTÔME DU PAPE BENOIT IX.

Ce matin-là, fête de la Toussaint de l’an 1075, Grégoire VII étant grand pontife, Rome se réveilla d’humeur fort chagrine.

Les châteaux des barons, fenêtres et portes closes, semblaient déserts. Les bannières des grands jours ne flottaient point au haut des tours, les tentures de soie aux couleurs joyeuses n’ornaient point les balcons. Beaucoup d’églises étaient fermées, comme si l’interdit les eût frappées ; les cloches étaient muettes ; seules les basiliques pontificales célébraient de solennelles liturgies. Assis sur les escaliers des couvens, la face morne et l’écuelle vide, les affamés et les orphelins attendirent vainement l’aumône traditionnelle, à l’heure même où le diacre chantait l’évangile des béatitudes, à la gloire de tous les misérables, sous les voûtes de Saint-Pierre, de Sainte-Marie-Majeure et de Saint-Jean-de-Latran. Aux Monti, au Transtévère, à la Regola, dans les carrefours ou sur les bords sablonneux du Tibre, les femmes, les enfans, les béguines, les vieux mendians se ramassaient en petits groupes timides, causant tout bas et se demandant si l’on allait voir encore quelque épouvantable désordre, si les seigneurs allaient encore brûler la ville, égorger les pauvres gens comme du bétail,