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reprise de l’immigration, l’introduction de travailleurs pouvant seule permettre la mise en œuvre des terres et des habitations abandonnées par suite de la crise actuelle. En ce qui concerne l’introduction en France des sucres de nos Antilles, la célèbre loi de 1884 a institué en leur faveur une protection basée sur le principe de l’équivalence. Théoriquement, la canne a droit aux avantages assurés à la betterave ; en fait, il ne lui en est concédé qu’une faible partie. Aussi est-il entré dans la pensée de quelques grands producteurs de solliciter, en faveur des rhums et des tafias, un régime spécial de protection. La fabrication des alcools tirés de la canne à sucre a pris, depuis quelques années, une grande extension : elle a plus que triplé à la Martinique ; à la Guadeloupe, elle a doublé. Ce sont des produits sains, propres, les uns, à la consommation directe, et les autres au vinage. On peut envisager comme une conséquence du régime douanier actuel ces revendications des colonies. En leur appliquant le tarif général des douanes, on a, pour ainsi dire, restauré l’ancien pacte colonial et, dès lors, on s’explique que la Guadeloupe et la Martinique songent à demander pour tous leurs produits une franchise douanière qui sera, en outre, aux yeux de certains, un pas décisif dans la voie de l’assimilation rêvée.

En promulguant aux colonies le tarif général des douanes, on a stipulé que le café et le cacao, par exemple, ne paieraient plus que la moitié des droits qui frappent ces denrées quand elles proviennent de l’étranger. Est-ce assez ? Il faut dire que, dans les deux colonies, des primes assez fortes sont attachées à leur culture. La Guadeloupe, sur l’initiative du président de la chambre d’agriculture de la Basse-Terre, a commencé ; la Martinique a suivi, au lendemain du terrible cyclone du 18 août 1891. Mais si, comme le proclamait récemment un sous-secrétaire d’État des colonies, l’avenir de l’agriculture aux Antilles doit échapper un jour à la canne à sucre et dépendre uniquement des cultures secondaires, pourquoi n’ouvrir qu’à demi les portes de la France à des produits que celle-ci ne peut trouver sur son sol ? Le demi-droit d’entrée sur le café, le cacao, la vanille, n’a plus qu’un caractère fiscal, et son rendement est des plus limités dans l’état actuel des choses. Ne serait-il pas d’une bonne politique, absolument, de le supprimer ? Le budget de la république n’y perdrait pas grand’chose, et l’activité agricole aux Antilles y gagnerait beaucoup. La démocratie rurale, qu’on ne saurait trop encourager, accueillerait comme un grand bienfait une mesure de ce genre où elle verrait une preuve de plus de la sollicitude de la métropole. Car ce sont les petits propriétaires surtout qu’il s’agit d’amener à planter.

Il n’entre pas dans le cadre de cette rapide étude de discuter