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part, et que, les articles relatifs à ces questions une fois rédigés en commun, ils fussent remis immédiatement au roi, avec prière de faire connaître sa réponse avant la séparation des États. Cette proposition était évidemment le résultat de longues méditations. Ceux qui la faisaient voulaient emporter de l’assemblée des décisions graves, puisque ce système avait pour effet de donner une sanction au vote des États. Le coup était si hardi et si imprévu que le tiers en conçut de l’alarme. Quand l’évêque de Beauvais eut exposé l’objet de sa mission, « il s’éleva un grand bruit, dit Florimond Rapine,.. les uns disaient que, sous cette apparence, il y avait quelque chose de caché et peut-être de l’injustice… On soupçonnait une machination préparée par les habiles du conseil. »

Le conseil cependant était tout aussi inquiet que le tiers lui-même. On comptait se servir du clergé et non pas le servir. Cette initiative vigoureuse mettait l’ordre ecclésiastique hors de tutelle et lui donnait barre sur la cour. Celle-ci eût été obligée d’en passer par les volontés de cet ordre trop ardent qui, comme il le dit lui-même assez fièrement, était disposé, dans cette circonstance, « à s’acquitter de son devoir et à servir d’exemple aux autres. »

La cour se lâcha. La régente fit venir Sourdis et lui lava la tête. Joyeuse, de son lit de douleur, interposa sa haute autorité. Il entretint longuement Villeroy, et la délibération de ces deux sages vieillards aboutit à une transaction qui refroidit les têtes échauffées. Duperron n’osa pas soutenir ses amis. Il conseilla lui-même la retraite. Il ne resta de cet incident qu’une sorte de méfiance mutuelle. Les ministres comprirent qu’ils devaient craindre même leurs plus chauds partisans et que cette « chambre introuvable » menaçait de dépasser les vœux du pouvoir qui en avait préparé l’élection.

Richelieu ne s’était pas mis en avant dans cet incident qui menaçait de brouiller l’ordre ecclésiastique avec la cour. Il agit là, comme il l’avait déjà fait à Poitiers, avec son ami La Rocheposay, laissant les ardens s’aventurer et battre l’estrade, tandis qu’il se réservait pour l’heure de la retraite et des transactions ou agréables ou fructueuses.

C’est dans cet esprit que nous le voyons intervenir, quelque temps après, dans une circonstance non moins importante. L’ordre de la noblesse avait pris l’initiative de la lutte entre les classes privilégiées en proposant la suspension du droit annuel. C’était enlever à la bourgeoisie de robe les avantages qui résultaient pour elle de la vénalité des charges. Le tiers-état répondit en réclamant la suppression des pensions.

Pour soutenir cette proposition devant le roi, le tiers fit choix d’un des hommes les plus distingués qu’il comptât dans ses rangs,