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du reste, ce discours qui devint célèbre, que cependant j’avais oublié, mais que le colonel de Forceville avait écrit dans le temps et qui est assez caractéristique pour que je le copie ici :


« Liberté, égalité, fraternité ou la mort.
« Mesdames, citoyennes, sœurs et amies,

« La reconnaissance est un devoir prépondérant pour tout cœur qui s’en est fait un besoin. Au reste, vous n’en ignorez pas et je connaissais assez le physique de la chose pour croire que l’impulsion des accessoires vous fera toujours chérir l’humanité dans la personne de nos cœurs.

« Vive la république ! »


C’est encore lui qui disait à un agent des vivres : « Je prétends que le sol de ma division soit toujours couvert de comestibles ; » et à des soldats : « Camarades, quand vous n’aurez pas de pain, j’irai manger la soupe avec vous. » À quoi un grenadier répliqua : « Belle manière d’augmenter nos rations. » Commandant à Gand, je crois, avant de venir à Tournai, il lui était arrivé, se trouvant en habit bourgeois, de vouloir mettre l’ordre dans un cabaret où l’on se battait ; il avait ameuté contre lui les deux partis, et, en dépit de ses fortes épaules, il reçut une volée superbe ; mais ce qu’il y eut de comique, c’est que, pendant qu’on le rossait, il criait : « À moi la loi ! » Un poste voisin du lieu de cette scène ne bougea pas, et lorsque le général s’en plaignit, le chef du poste, qui le connaissait assez pour être enchanté de l’aventure, lui répondit : « Si j’avais pu me douter que ce fût vous, nous aurions couru à votre secours, et si seulement vous aviez crié : « À la garde ! » mais : « À moi la loi ! » nous avons cru que vous vous moquiez de nous. Quel rapport y a-t-il entre des soldats et une catin que tout le monde viole ? — C’est juste, reprit-il, je n’y avais pas pensé. » Cet homme, qui n’était propre qu’à amoindrir l’autorité qui lui était confiée, était journellement, pendant l’heure des repas surtout, l’objet de risées intarissables. Un jour, cependant, il s’aperçut qu’on se moquait de lui, et, me prenant à partie, il me dit en pleine table : « Sachez, monsieur, que j’ai toujours méprisé l’esprit. »


Cependant le 1er février 1793, la Convention avait déclaré la guerre à l’Angleterre et à la Hollande et ordonné la conquête de ce dernier pays. Les relations que Thiébault entretenait avec le duc de Chartres faillirent causer sa perte. Une lettre que le prince lui avait adressée lors de la trahison de Du mouriez fut interceptée. Il fut décrété d’accusation (13 avril 1793) par le comité de la Sûreté générale et ne dut sa libération qu’à l’intervention de l’ambassadeur de la république française à Copenhague, M. Grouvelle, qui