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Chafirof et Dolgorouky, à la place de la Suède. Le système de l’Europe a changé ; la Suède, quasi anéantie, ne peut plus vous être d’aucun secours ; la puissance de l’empereur s’est infiniment augmentée, et moi, tsar, je veux vous tenir lieu de la Suède. Je vous offre mon alliance avec celle de la Prusse et de la Pologne, et non-seulement mon alliance, mais ma puissance… » Mais Dubois ne comprit pas ou ne voulut pas comprendre la portée de ce langage. Il fut enjoint à Tessé, les mémoires du maréchal en font loi, « de ne pas donner le moindre sujet d’ombrage au roi de la Grande-Bretagne » et surtout de ne rien conclure ; bien plus, en dépit de toutes les promesses, une indiscrétion coupable mit au courant le cabinet anglais ! « On a eu lieu depuis, dit encore Saint-Simon, d’un long repentir des funestes charmes de l’Angleterre et du fol mépris que nous avons fait de la Russie. » Cependant les pourparlers ne furent pas rompus au départ de Pierre et l’on a présumé, non sans quelque vraisemblance, qu’il avait, dans un dernier entretien, ébranlé le régent. La négociation, poursuivie en Hollande, aboutit, on le sait, à la convention d’Amsterdam entre la France, la Russie et la Prusse (15 août 1717). Ces deux dernières puissances garantissaient l’ordre de succession au trône de France, établi par le traité d’Utrecht ; la France promettait sa médiation pour amener la paix dans le Nord et sa garantie pour les arrangemens à conclure : en outre, les trois parties contractantes convenaient de s’entendre ultérieurement pour arrêter le texte de deux traités, l’un de commerce, l’autre d’alliance politique. La première partie de cette convention fut exécutée. À la fin de 1719, Campredon fut désigné pour se rendre successivement à Saint-Pétersbourg et à Stockholm, afin de concilier le vainqueur et le vaincu. Après qu’il eut signé comme médiateur au traité de Nystadt (30 août 1721), il reçut l’ordre de retourner à Saint-Pétersbourg en qualité de ministre et la France eut, à dater de ce jour, quelques mois après la rupture des relations diplomatiques entre la Russie et l’Angleterre, un représentant permanent auprès du tsar. Campredon était à peine installé que l’empereur lui demandait à connaître nos vues sur les bases possibles d’un traité d’amitié, de commerce et d’union défensive. Bientôt il le faisait sonder, deux dépêches de notre ministre en font foi (8 et 24 novembre 1721), sur un projet de mariage entre sa fille cadette Elisabeth et quelque prince français « dont on ferait ensuite très facilement un roi de Pologne. »

Telle était à cette époque la déférence du régent envers le cabinet britannique qu’il alla jusqu’à lui communiquer les dépêches de Campredon. On peut les consulter dans nos archives, au