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mouvement d’affaires. Les betteraves à sucre qui alimentent les usines du nord-est, les betteraves fourragères qui apportent un important appoint à la nourriture d’hiver des animaux du centre et de l’ouest ne sont semées que dans le courant d’avril. Cette année, les semailles ont eu lieu dans un sol déjà desséché ; pendant un mois au moins, la pluie a fait défaut ; la levée a été très irrégulière.

Les graines, en effet, se conservent sans altération, tant qu’elles sont sèches ; quand elles sont destinées à la consommation ou à des usages industriels, et qu’elles ne doivent pas germer, on les conserve dans la partie la plus haute, la plus sèche de la maison, à laquelle elles ont donné leur nom.

Pour que la graine germe, au contraire, pour que l’embryon logé entre les cotylédons, dans l’albumen, qui renferment les matières nutritives nécessaires à son développement, passe de la vie latente à la vie active, pour qu’il s’éveille et commence à digérer, à assimiler les réserves d’amidon, d’huile, d’albumine qui l’enveloppent, en sécrétant des zymases, des fermens qui solubilisent et rendent diffusibles ces réserves, il faut que l’humidité entre en jeu. Il faut que l’eau, traversant par endosmose les enveloppes de la graine, détermine la série de métamorphoses qui se traduisent par l’apparition d’une jeune radicelle qui s’enfonce dans le sol et y puise l’humidité, par l’apparition des jeunes tigelles qui se chargent de chlorophylle et commencent à décomposer l’acide carbonique aérien.

Si, au moment des semailles, la terre renferme plus de 10 centièmes d’humidité, ou si la pluie arrive quelques jours après que la semence est déposée dans le sol, la graine germe, et bientôt, si le semoir a été bien dirigé, de jolies lignes vertes régulières se dessinent dans les champs ensemencés : la graine a levé.

Si, au contraire, la terre ne renferme que de faibles proportions d’eau, elle les retient énergiquement, ne cède rien à la graine, qui reste dans le sol aussi inerte que dans un magasin.

En 1881, j’étais en Algérie avec nos élèves de l’école de Grignon, nous parcourions au sud de Boghari, vers Bougzoul, le commencement des hauts plateaux ; un caïd, qui se rendait à Alger, ayant reconnu qu’un de nos élèves était bon cavalier, lui avait confié son cheval et était monté dans ma voiture. La plaine s’étendait devant nous, grise, poudreuse, sans végétation, jalonnée par places des squelettes des chameaux qui avaient succombé pendant les rudes voyages qu’exécutent les caravanes. Je manifestai mon étonnement de voir sans récolte une terre qui paraissait de bonne qualité. « On a semé, dit le caïd, mais la pluie n’est pas venue et l’orge n’a pas levé. » Un sentiment de doute se peignit sur mon visage, car il ajouta : « Tu ne me crois pas, eh bien, descends avec moi et nous