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administration, des membres du parlement, des savans, des praticiens, des journalistes. Il l’a réunie à diverses reprises, a soumis ses projets à une libre discussion ; puis quand les résolutions ont été prises, il a passé à l’action avec l’ardeur d’un homme bien résolu à préserver d’une ruine immédiate la partie de la fortune publique dont il a la garde.

Sans doute, dès le mois de juillet, quand on a vu les cultivateurs affolés abandonner sur le marché leur bétail à un prix dérisoire, on aurait pu réclamer une mesure radicale, suspendre les droits d’entrée sur le maïs, comme on l’a fait pour le blé après la désastreuse récolte de 1891. En agissant ainsi, en faisant affluer sur le marché du maïs à 100 francs la tonne, on était sûr de fournir aux animaux une nourriture abondante, on pouvait préserver les forêts des atteintes qu’elles ont subies, c’était le salut assuré ; mais quand bien même M. Viger, sacrifiant à l’intérêt public ses convictions intimes, eût jeté son portefeuille dans la balance, pour entraîner le parlement à modifier les conventions douanières, il n’eût vraisemblablement pas réussi.

La commission permanente, consultée, avait, à l’unanimité moins deux voix, rejeté cette solution. Les cultivateurs sont actuellement animés de passions protectionnistes intransigeantes, et malgré ses avantages, la libre entrée du maïs eût été vivement attaquée.

Les ressources que le commerce pouvait fournir ayant été ainsi abandonnées, on se rabattit sur celles que notre territoire peut nous procurer. Aucune n’a été négligée. La situation a toujours été bien connue, on s’est constamment renseigné ; toute l’administration préfectorale a été mise à contribution, les inspecteurs-généraux ont envoyé des rapports circonstanciés, détaillés ; les professeurs départementaux d’agriculture ont eu des instructions précises, indiquant d’abord au commencement de l’été toutes les cultures qui pouvaient être entreprises, spécifiant les conditions dans lesquelles elles avaient chance de réussite, puis plus tard formulant les rations dans lesquelles les feuilles d’arbre, les ramilles remplaçaient le foin qui faisait défaut ; quand des professeurs d’agriculture, des journalistes, des praticiens proposaient un mode d’action, simple, facile à mettre en pratique, ces instructions étaient imprimées à un nombre prodigieux d’exemplaires, affichées, distribuées.

Enfin, on intéressait le parlement à ces milliers de cultivateurs victimes de la sécheresse, et on obtenait le vote de 5 millions pour leur venir en aide.

Cinq millions forment une grosse somme, et cependant, quand on la compare aux pertes essuyées, elle paraît bien minime. Des