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même que dans tous les pays tropicaux, les animaux domestiques importés d’Europe dégénèrent rapidement, comme taille, comme poids, comme rendement en viande, en laitage et en cuir. Les chevaux de Cuba sont petits et médiocrement résistans ; les bœufs sont maigres et de lente croissance, il en est de même des moutons, dont la laine est courte ; des chèvres, dont la peau n’est guère utilisée que pour la confection des outres. La viande est, presque partout, d’assez pauvre qualité, et, dans les potreros les mieux tenus, on a peine à se procurer du bétail gras. Le résultat en est que l’exportation des animaux est presque nulle, et que les navires évitent de se ravitailler en viande fraîche dans les ports de l’île.

Ce n’était, toutefois, ni l’élevage du bétail, ni la culture du café dont nous avons parlé plus haut, qui devait enrichir Cuba et porter haut sa prospérité. L’orientation donnée aux efforts de ses colons allait bientôt se modifier par le fait de l’expérience acquise et surtout des demandes de l’Europe d’abord, de l’Amérique ensuite. Si riche en promesses et même en résultats qu’apparût la production du café, elle ne devait pas tarder à se heurter à la concurrence de terres mieux adaptées encore à ce genre de culture, notamment de Puerto-Rico, île voisine, plus tard à celle du Brésil, de Java et de Ceylan. Dans ces pays, producteurs de café par excellence, le rendement est supérieur, supérieure aussi la qualité et plus étendue la superficie exploitable. Puis les maladies spéciales au caféier y ont moins de prise, et les récoltes y sont mieux assurées. Il en résulte que la culture du café est devenue, à Cuba, de moins en moins importante, que l’exportation en a presque entièrement cessé et que la plupart des colons se bornent à aménager de petites plantations suffisantes pour pourvoir aux besoins de la consommation locale.

Il en fut autrement de l’industrie sucrière. À peu près ignoré des anciens, le sucre, auquel Théophraste le premier, et trois siècles avant notre ère, fait allusion dans un court passage, n’a commencé à être connu en Europe qu’au VIIe siècle. Originaire de l’Asie orientale, la canne à sucre avait, de là, été transplantée en Chine et dans l’archipel Indien. Etant donnée la distance, l’usage du sucre ne s’introduisit que lentement en Europe. Il fallait qu’il passât, de main en main, de la Chine dans les ports de l’Inde, de là dans le Golfe-Persique, ou dans la Mer-Rouge, et qu’il achevât, par la voie des caravanes, jusqu’au littoral de la Méditerranée, la route qu’il avait à parcourir. Les trafiquans d’alors avaient charge d’articles plus précieux et moins encombrans ; il n’est donc pas étonnant que le sucre soit longtemps resté une chose rare et presque de curiosité. Ce sont les conquêtes des Arabes qui ont introduit et développé en Europe sa consommation.