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charmant que cette liane odorante, qui tapisse les vérandahs des villas tropicales, qu’elle embellit de ses grappes de fleurs et qu’elle parfume de ses délicates senteurs. Dès la troisième année, la floraison devient très abondante, mais il importe de faire un choix dans cette masse de fleurs et de n’en conserver que cent ou deux cents, selon la taille et la force de la plante, si l’on veut obtenir des gousses de bonne qualité.

Quand les fleurs, fécondées artificiellement, ou mieux par les abeilles, ont fait place aux gousses mûres et bien remplies, on les cueille et on les prépare en les plongeant dans de l’eau chaude ; puis on les sèche, d’abord au soleil, ensuite dans un endroit chaud et bien ombragé. Une bonne plante produit environ cent gousses : ce nombre est généralement dépassé. « Pour peu, écrit le docteur Meynars d’Estrey[1], que l’on mette quelques soins aux petits travaux que réclame cette culture, on obtient une récolte qu’aucune autre industrie agricole n’oserait espérer. Aux Indes, le travail d’un seul homme peut produire 10 000 roupies à partir de la troisième année ! Quelle culture peut-on signaler qui soit comparable à celle-ci au point de vue du rapport ? »

Non moins important paraît devoir être, dans un avenir prochain, le commerce des bois d’ébénisterie. Humboldt déclarait, à première vue, que l’île de Cuba « était une forêt de palmiers semée d’orangers et de citronniers ». La vérité est que l’intérieur de l’île, longtemps d’accès difficile et peu connu, renferme des essences forestières de grande valeur. Le mûrier y abonde, plus beau et plus vigoureux encore qu’au Japon, tenu pour son habitat de prédilection. On trouve à Cuba l’ébène, le bois de rose, l’acajou, le palissandre, et l’on peut voir à l’Escurial, près de Madrid, le merveilleux parti que les artistes espagnols ont su tirer de ces bois au grain dur. Jusqu’en 1890, l’exploitation des forêts a été à peu près nulle. On se bornait à abattre quelques billes là où le transport par eau permettait de les amener sans trop de frais à la côte. Aujourd’hui l’on voit surgir, dans des localités, inhabitées il y a vingt ans, des scieries construites par les Américains ; des routes s’ouvrent et, dans les clairières éloignées de la mer, partant plus saines et au climat moins brûlant, les plantations de café, de tabac, de sucre, de coton, les vergers et les potagers prennent possession d’un sol vierge et fécond.

Le principal obstacle à la prospérité croissante de Cuba n’est ni le sol, ni le climat, ni la race, mais l’administration fiscale de la métropole, avant tout préoccupée du revenu qu’elle tire de sa colonie et peu soucieuse des dépenses à faire et des mesures à prendre

  1. Voyez le Bulletin de la Société de géographie commerciale, avril 1892.