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portefeuille dans un ministère Crispi. Il faut se hâter d’ajouter que probablement on eût tout autant étonné M. Perazzi, si on lui eût, en 1890, prédit qu’en 1893 M. Crispi s’adresserait à lui. Les dessins satiriques d’alors s’amusaient à représenter M. Crispi nageant avec précaution entre M. Perazzi Charybde et M. Magliani Scylla. M. Saracco se fût moins émerveillé de l’aventure, ayant été déjà ministre des travaux publics de 1887 à 1889. Mais qui donc eût cru, il y a trois ans, que M. Crispi était si près de faire un cabinet où l’on compterait deux membres du centre, cinq membres de la droite et, parmi eux, le vénérable M. Saracco, un des piliers, une des colonnes de la droite ? M. Boselli, à la bonne heure, quoiqu’il soit, lui aussi, de la droite. M. Crispi n’avait pas eu, sous son précédent consulat, de témoin plus inébranlable : ensemble ils étaient montés au pouvoir, ils en étaient tombés ensemble. M. Boselli avait mis au service de M. Crispi les ressources d’un esprit très souple et très résistant à la tâche, très informé et très alerte, en dépit de son goût un peu excessif pour certaines formules. Le ministre des postes et des télégraphes, M. Maggiorino Ferraris, est un nouveau venu, relativement à ces parlementaires éprouvés. Mais c’est un publiciste distingué et peut-être l’un des économistes les plus avisés de l’Italie. Dans une communication récente à un congrès scientifique, il exprimait l’idée que « seuls, les grands remèdes peuvent avoir aujourd’hui un effet : parer aux conséquences d’une direction financière viciée par la faiblesse et les erreurs très graves de la politique monétaire ». Il rappelait le pays à l’exercice de sa vraie force vitale : « l’agriculture qui, seule, peut nous faire remonter aux conditions d’une finance prospère. » — Des deux ministres de la guerre et de la marine, du général Stanislas Mocenni et du contre-amiral Morin, on n’aurait à copier que les états de service, si le général Mocenni n’était pas député de Sienne depuis sept législatures et l’amiral Morin, depuis trois législatures, député de la Spezzia. Ce sont, par conséquent, des vétérans de la politique et, l’épithète ne sera pas déplacée en parlant de deux officiers, des parlementaires à chevrons.

Voilà, pour ne rien dire des sous-secrétaires d’Etat, quel est, dans sa substance, le ministère de M. Crispi. Les sous-secrétaires d’Etat sont ce qu’ils pouvaient être, par rapport aux convenances multiples qui en déterminent le choix. Il n’y a que la nomination du comte Pietro Antonelli comme sous-secrétaire d’Etat aux affaires étrangères qui ne puisse pas passer inaperçue pour nous. Le comte Antonelli est l’explorateur africain auquel l’Italie doit, en majeure partie, la colonie Erythrée. Mais il est plus encore, il est avant tout le familier de M. Crispi et l’on peut dire que, tant qu’il est à